- Pas sympa de n’avoir toujours pas ouvert le livre de Didier Torossian (uusulu). C’est vrai. Je le sais. Mais il y a eu les contingences matérielles (je l’ai perdu). Et puis, le manque de temps pour lire tout ce que je souhaiterais. Et puis, je me dis que j’ai le temps, qu’il n’y a pas urgence. Les livres restent. Ce ne sont pas des gadgets. A la mode, plus à la mode. Utilisés sinon poubelle. Non, les livres sont patients et attendent parfaitement le bon moment. Je veux bien croire que les auteurs écrivent pour qu’on les lise avant qu’ils passent au suivant, mais moi, simple lectrice, j’entends faire la loi dans mes lectures et ne pas me laisser imposer le moment de lire ou de relire les choses. Il n’y a pas longtemps, j’ai fait ça, j’ai acheté un livre parce qu’on me le demandait, j’ai été faible, je n’ai pas su dire, non. Si je ne l’avais pas acheté ce bouquin jusqu’au moment où l’auteur me l’a insufflé, c’est qu’il y avait une bonne raison. Quelque chose que je ne sentais pas. Evidemment, ce livre-là, je ne l’ai pas paumé, enfin pas vraiment, je sais qu’il est quelque part, la couverture retournée pour ne pas voir de trop prêt la gueule de mes erreurs.Le livre de Didier Torossian, c’est différent, j’ai envie de le lire, je l’ai acheté de mon plein gré, ça m’intéresse ce bout d’Arménie, et, je pense que l’auteur sera heureux quand j’en parlerais, de façon anachronique.
- La semaine dernière, je n’ai donc pas pris « Les yeux ouverts », mais « L’avortement » de Richard Brautignan. L’auteur est un suicidé. Poète. Le livre a pas mal patienté dans la poussière avant que je me décide. J’appréhende toujours d’être larguée quand je prends un auteur qui mise sur un style très poétique. L’art de la métaphore poétique me semble difficile, plus difficile que tout, quand on choisit la forme romanesque et les lecteurs plus habitués à la prose qu’à la poésie. Mais ça a bien fonctionné, là. L’histoire est bizarre. C’est un homme de trente ans, un peu plus, qui « gère » une bibliothèque exceptionnelle. Les gens de la ville et d’ailleurs viennent y déposer leurs manuscrits. Des manuscrits qui parlent de tout ou de n’importe quoi. Ils ne sont jamais refusés, pas lus non plus. Juste, on les référence dans un registre avec une courte note explicative, un résumé du manuscrit. L’auteur dépose son livre sur une étagère, où il veut en fait. La bibliothèque est ouverte 24h sur 24, pour recevoir les ouvrages. C’est bien, c’est utile, c’est caritatif. Ne rien refuser pour ne peiner personne. Trouver un lieu de référencement pour tout, même le bidon. Voilà, la vie du jeune homme s’égrène ainsi parmi les manuscrits d’inconnus destinés à…rien. Et puis survient Vida. L’handicapée. Handicapée parce qu’elle est belle à couper le souffle et que traverser un aéroport sans être anonyme, effectivement, cela doit être fatigant. Vida, 19 ans, trop jeune pour avoir un enfant, qui prend l’avion avec son amoureux pour se faire avorter. Au retour, surprise, la vie est chamboulée, un peu. Naissance, avortement, re-naissance.
La nuit nous appartient, Joaquin Phoenix, Eva Mendès.
- Semaine avec de la poésie. De la poésie sur fond brutal. Car le monde est sacrément brutal. « La nuit nous appartient » de James Gray, au cinéma. J’aime le titre. J’ai aussi aimé le film. New-York. Une boîte de nuit. Bobby et Amanda s’amusent sur un canapé. Dehors le frère et le père de Bobby traquent la drogue. Burt, le paternel, aurait aimé que son fils choisisse une autre voie que gérant de boîte de nuit russe, flic c’aurait été bien. Bobby a juste envie de se marrer dans la vie. Burt, têtu, lui indique quand même qu’il pourrait se rendre utile et l’informer sur deux ou trois poissons régulièrement attablés dans sa boîte. Non répond Bobby. Un non qui aura plus de conséquences qu’on pense qu’un non en a. Film policier haletant, dont les propos (critiques) s'inscrivent dans la pure tradition intellectuelle américaine (et universelle) : le bien et le mal, la repentance, la famille, la responsabilité individuelle, le courage, la puissance, la liberté. Sombre et beau.