Best Coast + The Slits, Le Café de la Danse, Paris, 27 mai 2010
Jeudi dernier, je me dirige d’un pas lourd au Café de la Danse, la nature est parfois cruelle, je suis plombée par un mal de crâne impitoyable sans aucun rapport avec une absorption excessive de substances prohibées : la nature vous dis-je ! Au programme ce soir, le revival des Slits, rien de moins. Le premier groupe de punk au féminin, inspirateur des Riot Grrrls, de Siouxsie et même de Madonna, revient trente ans après ses débuts. Pour le meilleur, et surtout pour le pire…
Mais la soirée commence sous le signe de la légèreté avec la chouchoute de mes co-rédacteurs masculins : la très “girl next door” Best Coast. Bethany Cosentino est une fille vraiment chouette. Californienne habitée par la surf music des fifties, elle et son acolyte Bob Bruno ont sorti un paquet de maxis depuis l’an dernier dont nous n’avons pas manqué de vous parler. C’est donc avec le plus grand intérêt que j’ai reluqué la croquignolette musicienne envoyer du lourd avec sa guitare, en sucrant le tout de sa douce voix aux petites bulles acidulées.
Les titres s’enchaînent sans pause, je ne peux m’empêcher de taper du pied et de dodeliner de la tête. Mon esprit se libère de ce corps endolori et je me promène un instant sur une plage ensoleillée avec mes trois nouveaux amis et leur petite machine toute ronde, efficace et infiniment aimable. Ce groupe ne ressemble effectivement en rien à un produit de l’industrie musicale que la Bethany de 15 ans avait d’ailleurs envoyé bouler lorsqu’elle la courtisait alors. Avec une batteuse aux allures de mère de famille et un bassiste à l’embonpoint frétillant, ces trois-là donnent vraiment l’impression d’être ensemble pour le fun et de ne rien avoir à prouver à qui que ce soit. Un vrai plaisir donc que cette première partie, parfois un peu répétitive certes, mais au son bien plus dense et intéressant que le lo-fi de ses enregistrements. Best Coast et son atmosphère fraîche et solaire auront au moins le mérite de me faire oublier un temps l’étau resserré sur mes tempes.
La salle est très loin d’être pleine ce soir, pas mal de filles de différentes générations, quelques dreadlocks par-ci par-là. Et un ingé son accro au reggae qui s’amuse avec sa réverb’ et que j’ai présentement envie d’écharper. Je siffle mon Coca en pestant contre le tatoué qui m’inflige tant de souffrances, mais une petite voix intérieure me souffle qu’elles ne font que commencer.
Petit retour sur l’histoire : The Slits se forment au Royaume Uni en 1976 autour d’Ariana Foster, alias Ari Up et de Palm Olive (amis du calembour, bonjour) qui rejoindra les Raincoats. Petites soeurs des Sex Pistols, les “fentes” seront le premier groupe punk entièrement féminin qui tournera d’ailleurs avec les Clash, provoquant émeutes et jets de projectiles divers et variés du simple fait de ce qu’elles étaient : des filles qui n’en n’avaient rien à carrer. Au niveau musical, les Slits sont passées d’un punk rock bien dissonant à, oh surprise, un dub/reggae bien plus tranquille. Ari Up s’envolant un beau jour en Jamaïque pour y devenir chanteuse de dance-hall et y faire plusieurs enfants.
Et puis, un jour elle s’est dit : “Tiens, si je reformais les Slits ?”. Convoquant la bassiste Tessa Polite et trois nouvelles membres qui n’étaient probablement pas nées lorsque les Slits sortaient Cut en 1979, c’est parti, Ari Up repart au galop ! Et c’est coiffée de trois bretzels sur la tête qu’elle débarque ce soir pour un show pas si éloigné du new burlesque, si vous voulez mon avis. Version reggae, je précise. Vous vous demandez sûrement ce que j’ai contre le reggae. Mais je te retourne la question cher lecteur : comment ne pas avoir quelque chose contre le reggae ? Soyons honnête, c’est impossible. J’avoue, il va m’être très difficile de parler de l’aspect musical du concert. Je connaissais leur géniale reprise de Marvin Gaye avec I Heard It Through The Grapevine (qui sera mon seul bon moment du concert) et le sympathique hymne Typical Girls qui permettra à une fan inconditionnelle de danser et de chanter avec son idole touuuuuuuut le long de la chanson. Je passe sur les quelques titres à peu près punk qui parsèment le set, le tout encerclé de titres ragga-reggae-all right man, pour m’arrêter sur le personnage de Ari Up et sur sa black attitude. Je ne sais pas vous, mais moi je suis une véritable éponge pour tous les accents, j’adore parler avec l’accent du sud quand j’y suis (quitte à saouler), mais ce sont surtout les accents en anglais qui me fascinent. L’intonation de De Niro particulièrement. Pour déconner, cela va de soi. Et bien Ari Up, elle, est restée bloquée sur une espèce d’imitation d’accent black (on va supposer jamaïcain hein) et elle parle comme ça. Surtout elle parle beaucoup, se répète, lance des appels à la jungle qui est en nous, fait des dédicaces à son fils en Jamaïque (”Cauz you know what’s going on there“, hum pas vraiment non), à ses jumeaux qui sont à L.A. (loin de maman, les veinards). Elle ne s’arrête jamais, enlève ses fringues, change d’instrument, se change, et pendant tout ce temps-là, elle parle. Dans le style reggae you knooooow. Alors donc que ma boite crânienne menaçait dangereusement d’exploser et que l’on se rapprochait de beaucoup trop près de l’instant fatidique ou la plus toute jeune Ari allait nous montrer son “poum-poum”, je me suis enfuie sans demander mon reste. Oui cher lecteur, j’ai pris mes jambes à mon cou pour ne plus avoir à la supporter. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage à ma collègue hartzineuse sans peur et sans reproche qui a su surmonter ces instants jusqu’à la fin, Émeline, je te tire mon chapeau. Et je dédicace cette chronique anti-professionnelle à tous mes frères et sœurs de la critique musicale. Big up les gars.
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