Le FMI ne tarit pas de critiques envers l'Europe. Laxiste, dépensière, il est temps de "réformer". Entendez par là baisser les prestations sociales, privatiser les services publics, démanteler le droit du travail. Les Etats-Unis qui pilotent le FMI et les milieu des affaires qui est aux commandes de l'économie pressent l'Europe de se dépouiller au plus vite de ses protections sociales. Que signifie l'arrivée du FMI sur la scène européenne ? Quel sont ses résultats passés ? Quel rôle jouent les Etats-Unis dans ce processus ? Eléments de réponse. Le FMI qui a un bilan totalement désastreux dans les pays pauvres (voir les documentaires présentés ici) fait actuellement la morale à l'Europe.
Systématiquement cette institution pilotée par les Etats-Unis (majoritaires en voix) a prôné par "l'ajustement structurel", la privatisation et la suppression des politiques sociales (fin des remboursements des frais de santé, fin des services publics etc.) Les situations particulières de chaque pays n'ont jamais été étudiées, les mêmes recettes ont toujours été appliquées sans distinction et présentées comme une panacée. C'est ce que dénonce Joseph Stiglitz, prix nobel d'économie et ancien économiste en chef à la Banque Mondiale démissionnaire en 2000 dans La Grande Désillusion. Selon lui, si la Banque Mondiale a conservé une tendance à poser un diagnostic un peu personnalisé sur chaque pays, le FMI se montre fondamentaliste dans l'application des politiques néolibérales, ces dernières étant considérées comme le seul remède possible convenant à tous les maux. Ce dogme s'avère impossible à remettre en question à l'intérieur de l'institution. Personne n'accepte d'entrer dans une telle réflexion. A cet égard, cette politique constitue pour lui une véritable idéologie. D'autres ont nommé TINA cette doctrine, succédant aux communisme stalinien et au nazisme, There Is No Alternative, en référence à la maxime de Margaret Tatcher, toujours répétée depuis.
De fait, les populations sont toujours ressorties appauvries de ces cures d'austérité, et cela a parfois été jusqu'à les priver de ressources vitales. Ainsi au Ghana au début des années 2000, la privatisation de la compagnie nationale de distribution de l'eau, suite à un ajustement structurel, a contraint de nombreux villageois à devoir choisir entre boire de l'eau potable et manger, l'entreprise nouvellement en charge de la distribution ayant doublé le prix, voire triplé ou quadruplé selon les villes.
Au même moment la privatisation de l'eau en Bolivie créait des manifestations monstres, forçant le gouvernement à reculer.
Aujourd'hui c'est au Honduras que l'on poursuit le genre de programme, après que les Etats-Unis et l'élite locale aient renversé illégalement le président Zelaya, trop à gauche selon eux.
Ces quelques exemples se retrouvent dans de nombreux autres pays, et pour toutes sortes de denrées et de secteurs d'activité. Il faut étudier les conséquences de ces politiques sur les populations si l'on veut évaluer correctement l'action du FMI. Systématiquement, l'élite locale s'est enrichie tandis que le peuple s'est appauvri. Cette politique est criminelle lorsqu'elle prive des citoyens de soins, d'eau potable, de nourriture, ou d'éducation.
Le FMI ou la Banque Mondiale ne posent jamais comme condition à leurs prêts : améliorer la redistribution des richesses pour soulager la pauvreté. Il s'agit toujours d'incriminer l'Etat pour taxer la population au profit d'entreprises derrière lesquelles se trouvent de riches notables locaux ou occidentaux. Le transfert de richesse est en sens inverse.
La vente des actifs d'un pays (souvent à prix bradé, voir par exemple le cas de l'Argentine avec Carlos Mennen) et les coupes budgétaires améliore l'état des finances. Au lieu d'encourager le pays à se libérer d'une dette souvent asphyxiante (de 20 à 35% du budget de l'Etat pour dette remboursée plusieurs fois par le jeu des intérêts), les institutions de Bretton Woods conviennent immédiatement d'un nouveau prêt... Mais l'argent prêté par le FMI doit être utilisé suivant les conditions fixées par l'organisme international "américain" : constructions de centrales électriques, de routes, de barrages etc... Tout l'argent retourne ainsi aux pays prêteurs du Nord, dans la poche des entreprises qui réalisent ces constructions. Ces investissements gonflent les chiffres de l'investissement, du PIB, de la croissance, et profitent à l'élite riche. On parle de succès, les journaux de droite utilisent ces chiffres comme argument en faveur de la politique néolibérale du FMI. Mais la population majoritairement pauvre s'est appauvrie comme le montrent tous les indicateurs de pauvreté et de mesure de l'inégalité, qui explosent depuis trente ans. Mieux, la pays est de nouveau lié par une dette qu'il faut rembourser avec ses intérêts : les pays donateurs gagnent de l'argent une seconde fois, et le pays perd toute indépendance.
Selon John Perkins, qui a exercé pendant 15 ans le métier de "tueur économique" pour le compte du gouvernement américain et de multinationales, le FMI propose volontairement des prêts impossibles à rembourser de manière à tenir les pays sous leur contrôle. C'est une stratégie adoptée et perfectionnée depuis plus de 50 ans pour dominer le monde grâce à l'arme économique. Toujours selon lui, les Etats-Unis travaillent ainsi consciemment à élargir et maintenir un Empire, à l'image des autres empires déclarés dans l'Histoire : France, Angleterre, Rome, Grèce... Ce dernier instillerait cette nouveauté qu'il parvient à ses fins en ne se saisissant de l'arme militaire qu'en dernier recours, l'économie, et la corruption des élites nationales apportant d'assez bons résultats.
Selon Noam Chomsky, cette stratégie est née en réponse à la démocratie et aux mouvements sociaux d'après-guerre, qui parvenaient à faire pression sur les politiques gouvernementales. Les populations des Etats-Unis n'accepterait pas de telles agissements si le choix lui en était posé ouvertement. Cela a forcé l'élite à opérer de façon détournée, soit par l'entremise d'entreprises privées (voir John Perkins), soit par des opérations militaires clandestines comme l'assassinat de syndicalistes en Amérique du Sud, ou le financement de groupes armés (Exemple des "Contras" au Nicaragua).
Voilà les états de service du FMI. Que cet organisme vienne immiscer dans les affaires européennes est très mauvais signe. Aujourd'hui, le Figaro nous rappelle aujourd'hui sans ses pages économie que les ministres des finances des pays européens ont accepté l'obligation de soumettre leur budgets nationaux à un examen préalable devant les instances européennes. L'examen aurait lieu au printemps, ce qui laisserait le temps de faire d'éventuelles corrections. Une nouvelle délégation de pouvoir vers les institutions non démocratiques de l'Union. Pourtant le FMI trouve ces mesures trop timorées et il propose de créer une autorité commune qui puisse déterminer le niveau de déficit budgétaire admissible pays par pays, ainsi que l'adoption par chaque pays membre de règles internes contraignantes visant à limiter le déficit. La stimulation keynésienne de l'économie par l'investissement public est en train de devenir interdite en Europe de facto. On pourra alors continuer de scander "There Is No Alternative" pour approfondir les reculs sociaux en Europe. Si les peuples ne se défendent pas de façon concertée, il est probable que l'irruption du FMI sur la scène européenne signe le début d'un processus de tiers-mondisation du continent.
Le Figaro nous apprend encore aujourd'hui que la maison blanche fait pression pour que l'Espagne adopte son plan de rigueur. Les Etats-Unis, affublés d'un déficit abyssal, à la tête d'une économie à bout de souffle ont urgemment besoin d'énergie pour perpétuer leur non négociable "way of life", que seul le dollar-référence protège de l'effondrement. L'Europe sera-elle l'ultime richesse à alimenter la machine USA ?