Exit les envolées lyriques de la campagne présidentielle louant ces fonctionnaires à qui on promettait d’être moins nombreux mais d’être mieux payés. La crise est passée par là. Les politiques des autres pays de l’Union mettant à la diète leur fonction publique offre une occasion en or pour s’attaquer à la situation des fonctionnaires régulièrement présentés comme des “privilégiés”.
Georges Tron, secrétaire d’Etat à la Fonction publique, a récemment planté le décor en s’interrogant publiquement à haute voix : est-ce “équitable, normal, que pour avoir une retraite qui est à peu près d’un montant équivalent, on paye trois points de plus dans le privé que dans le public ?” (7,85% dans le public contre 10,55% dans le privé).
Le relèvement d’un point de cotisation retraite des fonctionnaires serait susceptible selon le COR de rapporter 720 millions d’euros. Reste à savoir concrètement comment se traduirait la mise en œuvre de cette mesure. En clair, y aura-t-il ou pas compensation pour les fonctionnaires.
Les déficits publics abyssaux laissent deviner la réponse. “Sur le fond, la question de la cotisation, c’est une chose; la question du pouvoir d’achat en est une autre. Si on augmente la cotisation, que se passe-t-il pour le pouvoir d’achat des fonctionnaires, qui sont déjà à la diète depuis plusieurs années ?”, “Présenté comme ça, ce n’est pas une bonne annonce. Ca veut dire qu’on va baisser le pouvoir d’achat de 3 milliards d’euros, de façon uniforme“, a estimé Jean-Louis Malys, secrétaire nationale de la CFDT
Plus interrogatif, Jean-Marc Canon à la CGT-fonction publique rappelle que le gouvernements’est engagé àécarter toute solution qui baisserait le niveau de vie des Français et de s’interroger pour savoir si la décision serait compensée par des augmentations salariales, sous forme de primes par exemple.
Au final c’est “une baisse du salaire des fonctionnaires qui s’annonce“, estime pour sa part Anne Baltazar secrétaire générale des fonctionnairesde Force Ouvrière (FO), troisième syndicat de la fonction publique.
Georges Tron, secrétaire d’État à la Fonction publique cherche à déminer une explosion prévisible du secteur public en expliquant que “ce qui motive la réforme, c’est la gravité de la situation, pas la volonté de se “payer” les fonctionnaires“.
Sans attendre, le PS enfourché le cheval de bataille de la défense d’une catégorie de Français qui constitue le gros de ses troupes. Sur Europe 1, le porte-parole du PS a lié la question du relèvement du taux de cotisation à celui des salaires. “On vit sur un fantasme, l’idée selon laquelle le niveau des retraites des fonctionnaires serait meilleur que celui du privé“. “Il n’y a pas une catégorie qui serait privilégiée“. “on demande des efforts toujours aux mêmes, les salariés du privé comme du public” a estimé Benoît Hamon quiinvite plutôt à une taxation du capital.
Reste la question du calendrier et de l’ordre des réformes. Petit lac dans un océan de déficits publics, traiter de la question du financement des retraites en la déconnectant d’une remise à plat globale des finances publiques constitue un piège malicieusement tendu par Nicolas Sarkozy à la gauche et aux forces syndicales.
Un peu comme si on choisissait de refaire le papier d’une chambre à coucher dans une maison qui brûle. Tout est question d’ordre de grandeur et de priorités.
La question des retraites ne peut être traitée que dans le cadre d’une vision claire de notre société et notamment de la répartition des richesses, évidemment très largement conditionnées par la santé économique de notre pays. Autrement dit la question du financement des retraites devrait être étroitement liée à un programme présidentiel. C’est d’ailleurs ce qu’avait estimé dans un premier temps Nicolas Sarkozy.
Le levier “augmentation des ressources” est essentiellement abordé dans le projet de réforme gouvernemental pat le biais de prélèvements supplémentaires sur un même niveau de richesses. Il écarte largement l’hypothèse d’un accroissement de la richesse nationale par une économie performante. Un peu comme une famille qui se résignerait à rester locataire de son petit appartement en partant du postulat que la progression des ressources du couple sur le moyen terme ne permettront pas ou insuffisamment à devenir propriétaire.
A cet égard, la focalisation de la société française sur la question des retraites est le symptôme d’une France neurasthénique. Plus que de se couvrir la tête de cendres en s’accusant de vivre au dessus de ses moyens, les Français et d’abord la classe politique devraient méditer le précepte d’Antonio Gramsci selon laquelle, “il faut allier le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté“.