L'irrésistible ascension d'Éric Briffard

Publié le 09 juin 2010 par Olivier Et Nathalie


Au Four Seasons Georges V, l'un des hôtels les plus luxueux au monde, nous attendons le chef Éric Briffard. Ponctuel et revêtu d’une veste blanche ornée du fameux col bleu-blanc-rouge, insigne du Meilleur Ouvrier de France (titre acquis en 1993), il surgit de ses cuisines par une porte dérobée...
D'Escoffier... Apprentissage à 14 ans, puis débuts comme chef de partie au Concorde Lafayette, au début des années 80. Une époque qui lui a fait apprendre son Escoffier sur le bout des doigts, comme il le raconte avec humour : « les chefs posaient la « Bible » (Le Guide culinaire d'Auguste Escoffier) sur le marbre, tournaient les pages au hasard et pointaient avec leurs stylos la recette du jour. Le choix était fait d'office : potage Agnès Sorel, suivi d'une selle de veau Orloff et d'un turbot soufflé Amiral. Et roule ma poule ! Après, les vieux chefs arrivaient en disant " Vous les jeunes vous ne savez rien faire... ". Et nous, nous cuisions pendant des heures des fonds, des fumets, on réduisait, on recuisait à tel point qu'on dénaturait complètement les mets. Les sauces étaient très goûteuses, mais on passait à côté de la quintessence des produits. Aujourd'hui, si on fait un jus de poulet, il faut que ça sente le poulet ! »
...à RobuchonAprès une courte expérience avec son premier mentor Marc Meneau à L'Espérance*** (Saint-Père-sur-Vézelay) en 1984 et le grand choc culturel au Japon, où il passe 18 mois et rencontre son épouse, c'est Joël Robuchon qui le prend sous son aile au Jamin (Paris - 16e). Il se souvient encore du parfum dont celui-ci s’aspergeait, et qui semblait même précéder son arrivée en cuisine : Pour un Homme de Caron… « Joël parlait souvent de " capturer le parfum d’un plat ", de la justesse des cuissons aussi. Ça me semblait parfois incompréhensible, à l’époque… On avait coutume de dire, autrefois, que si les cuisines sentent bon, c’est parce que la cuisine est bonne… Moi, j'ai l'habitude de dire le contraire : quand ça sent bon dans la cuisine, c'est que vous avez déjà perdu beaucoup de saveurs et de parfums dans votre assiette ! Les parfums, vous devez savoir les garder ! »
« L'exotisme de ma cuisine, je le tire de simples légumes du coin... »
Inventive et épurée, sa cuisine est très axée sur les produits rares qu’il se procure aux quatre coins du monde, comme le lyokan, un agrume japonais, ou le yuzu (même provenance et même famille) qu’il a été le premier à introduire en France il y a 20 ans. Pourtant, Éric Briffard refuse de se laisser étiqueter comme un dénicheur de saveurs exotiques. Sa définition du luxe, du vrai luxe, c’est la qualité, la recherche du vrai et du meilleur. « L’exotisme de ma cuisine, je le tire de simples légumes du coin, par exemple des carottes déplantées la veille chez mes maraîchers qui ont encore de la sève et un vrai goût de carottes... Cela peut devenir exotique, parce que malheureusement il faut batailler fort aujourd'hui pour avoir de la qualité. Prenez les radis par exemple, c'est tout bête un radis, mais quand ils sont tout petits et cueillis du matin, il se passe quelque chose ! »
Visionnaire, Éric Briffard ? Humble et talentueux, surtout. Un vrai chef cinq étoiles, de ceux qu’au Nez au palais, nous recevons… cinq sur cinq.

Olivier Brandily & Nathalie Helal



Le V , au Four Seasons George V, 31, av. George-V, Paris 8e
Tél : (33) 1.49.52.71.54Menus : 85 (déj.), 160, 230 euros.