Là, j'ai failli passé à côté, cela aurait été dommage, d'une part pour l'illustration et d'autre part pour cette sagesse dans l'histoire. "Le voyage d'Henry" de D.B.JOHNSON est l'histoire d'Henry, ours sage et taquin qui propose à son ami d'aller à Fitchburg (l'histoire est tirée du livre "Walden" de Henry David THOREAU, citée ici). Henry marchera et son ami travaillera pour s'acquitter du prix du billet de train et arriver par ce moyen de locomotion.
Henry marche, prend le temps de regarder la nature (faire un herbier ou regarder les oiseaux), d'aller au rythme des paysages (traverser, naviguer, grimper) et de jouir des moments offerts (récolte de miel ou cueillette de mûres). De l'autre côté, l'ami d'Henry travaille, pour la mairie, la poste ou les particuliers ( de menues besognes mais utilisation d'un temps) et arrive bien-sûr avant Henry.
Autant la temporalité est au centre du livre, comme succession d'actes mais aussi utilisation de ce temps, jouissance d'un moment. Le travail semble quelque chose de subalterne, pourquoi donc pourvoir à des besoins en travaillant pour en avoir les moyens financiers, quand la satisfaction d'autres, peut-être plus insignifiants pour certains, offre de vrais moments de bonheur. Je soupçonne les illustrations de nous offrir tout de même des activités rémunérées joyeuses quand le texte pourrait être plus tranché!
Bien-sûr c'est aussi une fable écologique, la nature a une place de choix et les détails véridiques sur les randonnées d'Henry David THOREAU sont un plus: "Il adorait se promener dans les bois et dans les champs : les plantes et les animaux qu'il croisait au cours de ses balades étaient ses meilleurs sujets d'inspiration. Dans ses poches, il y avait en permanence un crayon et du papier, un couteau, de la ficelle, une lunette d'approche, une loupe et une flûte. Il parcourait facilement cinquante kilomètres par jour, un vieux livre de musique sous le bras pour lui servir d'herbier et un bâton à encoches pour mesurer les choses."
(postface de l'édition Casterman, les albums Duculot). Cela donne envie d'aller lire l'original.
"Le voyage d'Henry" n'est qu'une des propositions sur ce thème offert par Henry David THOREAU, ainsi D.B.JOHNSON nous offre la cabane en forêt et d'autres passages. Ce que j'ai aimé aussi ce sont les multiples références mises dans les illustrations et les textes l'air de rien. Des références à des auteurs amis ou penseurs sympathisants : Ralph Waldo EMERSON (la bibliothèque déménagée lui appartient), Nathaniel HAWTHORNE (le jardin désherbé est à lui), Bronson ALCOTT (petit bois rentré dans sa cuisine)...
Les illustrations sont magnifiques. Des couleurs en demi-teintes, la nature ou l'urbanité sous des aspects plus géométriques, un peu cubiques. Vraiment une découverte à confirmer.
20/24