Un album sans péridurale
Etre enceinte, c'est un métier. Surtout pour le (futur) père. Conseillons donc à tous les malheureux qui s'apprêtent à embrasser cette harassante carrière de se ruer sur le guide de survie concocté à leur intention par Jul. Esprit aiguisé et crayon affûté (à moins que ce ne soit l'inverse), ce garçon, qui exerce notamment ses talents à Charlie Hebdo, avance dans les traces de la grande poétesse Christine Angot.
En effet, avec cette bande dessinée inspirée de son propre drame, il se lance dans l'autofiction, examinant les effets de la grossesse sur l'humain et ne craignant jamais de mettre à nu le moi intime de l'apprenti papa qu'il fut tandis que la France s'apprêtait à entrer en Sarkozie (sans jamais le dire, mais avec cette profondeur que chacun lui reconnaît, il laisse entendre qu'il existerait un mystérieux lien entre ces deux événements de nature cosmique).
Des trois mois de vomissement aux affres du choix du prénom (« Vomito ? » « Vomita ? »), de la capitulation de l'intelligence devant l'échographie à l'effrayante métamorphose du parent en grand-parent (qui, moderne en diable, affiche la dernière photo de l'amibe/foetus en fond d'écran de son ordinateur), rien, dans cette longue descente aux enfants, n'est épargné au lecteur. Jusqu'à la sournoise toxoplasmose qui oblige le héros à faire un choix cornélien entre le chat et l'enfant-en-cours-de-fabrication. L'un des deux est exilé chez un ami compatissant. On se gardera bien de dire lequel.