Altair 8800 : le premier micro-ordinateur... américain !

Publié le 09 décembre 2007 par Olivier Roumieux

Janvier 1975, Popular Electronics fait sa une sur l'Altair 8800, « le premier mini-ordinateur du monde en kit à pouvoir rivaliser avec des modèles commerciaux ». Cette déclaration marque pour beaucoup la naissance du premier micro-ordinateur. Un acte de naissance encore aujourd'hui controversé, comme vient le rappeler Henri Lilen dans son dernier ouvrage Cinq inventions à l'origine de l'ère électronique. L'Altair descendrait de son cousin français, le Micral.


Pour beaucoup d'Américains, mais aussi pour de nombreux Français mal informés, c'est la société américaine MITS (Micro Instrumentation and Telemetry Systems) qui a produit le premier micro-ordinateur, en 1975, sous le nom d'Altair, quand ce n'est pas Apple qui est malencontreusement citée. Cette société, MITS, installée à Albuquerque, dans le Nouveau Mexique, a été fondée par Ed Roberts. L'histoire officielle de son micro-ordinateur, ou plutôt sa légende, semble édifiante.
Le directeur technique de la revue Popular Electronics, Les Solomon, rend visite à MITS au cours d'une tournée professionnelle et se voit présenter par Roberts un montage de table qui pourrait donner naissance à un micro-ordinateur. Très intéressé, le journaliste en parle dans l'édition suivante de sa revue, datée de janvier 1975, en commentant sur la couverture : « Le premier micro-ordinateur du monde en kit rivalisant avec les modèles commerciaux ». Dans les pages internes de la revue, il était même fait état de la possibilité de se mesurer avec les mini-ordinateurs de l'époque. C'était quelque peu optimiste pour une machine qui était loin de rivaliser avec le Micral, sans possibilités réelles autres que celle d'être un jeu technique ou une initiation. MITS reçoit alors de nombreuses demandes de clients potentiels désireux d'acquérir cet ordinateur qui n'existe pas encore. La direction de la société se réunit et cherche un nom à sa future machine qui sera commercialisée en kit, donc à monter soi-même.
On raconte que la petite-tille de l'un des dirigeants, voyant qu'ils manquaient d'imagination, leur propose Altair, du nom d'une étoile brillante qu'elle venait de découvrir en regardant, à la télévision, la fameuse série Star Trek. Ce nom sera adopté à l'unanimité.
Le prix en est également fixé, 395 dollars en kit et 495 dollars tout monté. Une publicité est passée dans la revue. Les commandes affluent, accompagnées de chèques qui financeront la production.
Des milliers d'Américains acquièrent cette machine et se forment à son usage, fascinés par la possibilité de pouvoir la programmer expérimentalement en binaire selon leurs désirs, en tentant au maximum d'économiser les octets d'une mémoire chiche.
En fait, l'Altair inaugure une période d'apprentissage de l'électronique numérique et de l'informatique. Ses faiblesses et ses défauts mêmes poussent les amateurs à jouer et à développer leurs connaissances.
Ces amateurs passeront ensuite à la réalisation de micro-ordinateurs en achetant eux-mêmes des composants du marché, comme l'a fait aussi l'auteur de ce livre avec des composants Intel. C'est la création de ce nouveau marché qui ouvre la voie aux trois grands que seront Apple, Commodore et Tandy. L'Altair 8800 est bâti autour du microprocesseur 8080 de Intel, le successeur du 8008, et fonctionne à la cadence de 2 MHz. Sa mémoire centrale n'est que de 256 octets, ce qui en limite considérablement les possibilités. La programmation s'effectue à l'aide de clés situées sur la face avant. La machine, bien que datant de 1975, ne dispose ni d'un clavier, ni d'une mémoire permanente.
Bien qu'il s'agisse d'une machine expérimentale et non opérationnelle, Roberts espère en vendre 400 exemplaires la première année. Il en vend 800 pour le seul premier mois, tandis que 4 000 commandes parviennent à la société en trois mois, des commandes que MITS aura le plus grand mal à honorer. Les machines seront ensuite livrées principalement assemblées et dotées d'un clavier et d'un écran provenant d'autres fournisseurs.
Ne disposant pas des fonds nécessaires, Roberts vendra MITS à Pertec Computer en 1977.

La réalité la plus probable

L'histoire réelle de cette machine semble toutefois quelque peu différente. Sans qu'on puisse en avoir la preuve formelle, on suppose que le rôle du directeur technique de la revue Popular Electronics, Les Salomon, a été bien plus important que ne le veut l'histoire officielle.
Les Salomon avait très certainement visité en 1974 l'exposition NCC de Chicago où le Micral était présenté par Truong. Il ne faisait alors tout simplement que son métier de journaliste.
Peu après l'exposition, il prend l'avion pour rendre visite à son ami Ed Roberts, le fondateur de MITS, Iequel, semble-t-il, n'avait aucune vocation ni expérience en informatique. Il lui suggère de construire une machine en utilisant, cette fois, le processeur 8080 tout juste commercialisé par Intel.
A l'époque, la société MITS traverse une mauvaise passe financière. Son patron, Ed Roberts, tente le tout pour le tout en développant un tel micro-ordinateur. Cela convainc son banquier qui décide de le soutenir. Intel soutient également cette expérience en lui cédant à bas prix, 75 $ pièce, des microprocesseurs normalement vendus 360 dollars.
Six mois après, MITS présente Altair en annonçant que c'était le premier micro-ordinateur du monde, ignorant délibérément le Micral. Un témoin de l'époque. Stan Veit, proche de Les Solomon, déclarera ultérieurement que l'aspect extérieur de l'Altair avait été entièrement dicté par Les Solomon. Les ressemblances entre ces deux micro-ordinateurs sont effectivement pour le moins troublantes.

L'article de 1975, en version intégrale !

Ne pas rater l'éditorial particulièrement prophétique : "The home computer is here!"
Source des reproductions de Popular electronics : Michael Holley's SWTPC 6800/6809 documentation collection (http://www.swtpc.com/mholley/)
Retrouvez cette histoire, et bien d'autres (notamment concernant le Transistron, le "transistor français") dans le dernier ouvrage d'Henri Lilen, Cinq inventions à l'origine de l'ère électronique, Paris, Vuibert, 2007.