Il y a quelques jours, les infiltrés émission de France 2 partageait une mention spéciale Médias avec le JT de TF1 :
Mention spéciale Médias : Les infiltrés (F2) JT de TF1 : par conviction ou complaisance, des journalistes zélés sont toujours là pour souffler sur la braise sécuritaire, amplifier les faits divers pour servir le politique, pour emprunter des méthodes policières ou même collaborer ouvertement avec les services officiels. Six cas d’école : Emmanuel Chain (TF1) - le JT de TF1 - Les Infiltrés - France 3 - M6 - Le Figaro.
L'émission n'est pas sans posée certaines questions déontologiques qu'une tribune co-signée par une quinzaine de journalistes, d'écrivains et de réalisateurs, publiée sur le site Acrimed soulèvent.
Fabrizio Calvi (journaliste, écrivain), Denis Robert (journaliste, écrivain), Jean-Pierre Moscardo (réalisateur), Pierre Péan (journaliste, écrivain), Benoît Collombat (journaliste), Bernard Langlois (journaliste, écrivain), Emmanuel Poncet (journaliste), Arnaud Sagnard (journaliste), Pascal Lorent (journaliste), Jean Marcel Bouguereau (journaliste), Patrick Fiole (journaliste), Marcel Gay (journaliste), David Dufresne (journaliste), Patrick Volson (réalisateur), Frank Eskenazi (producteur)… signataires de cette tribune reproduite in extenso ci-dessous…
INFILTRATION DOULOUREUSE
On peut s’interroger sur une émission (« Les Infiltrés ») uniquement basée sur l’emploi de caméras cachées. Ce procédé est à manier avec précautions. Son emploi systématique dérange car l’instrument devient le message et transforme le téléspectateur en voyeur. Passons. Longtemps journaliste, Hervé Chabalier est, à la tête de Capa, un producteur respectable et à succès. La pédophilie et ses réseaux supposés sont du pain bénit pour la télé poubelle. Les concepteurs de ces « infiltrés » expliquent qu’en s’attaquant à ce sujet, ils savaient que la loi les obligeait à dénoncer les pédophiles. La loi les oblige à dénoncer tout crime et délit. La pédophilie, comme le trafic de drogue ou d’armes. Passons. Ce qui ne passe pas, c’est que nous — producteurs, réalisateurs, journalistes —, soyons associés à ce que nous considérons comme une dérive de ce métier. Nous croyons en effet que le journaliste doit être un acteur social, libre et indépendant. Le journalisme doit rester une activité sans lien avec quelque pouvoir que ce soit : politique, policier, judiciaire, religieux. Au risque de disparaître. Hervé Chabalier, le présentateur de son émission, David Pujadas, et les journalistes de Capa doivent savoir que des dizaines de journalistes se sont retrouvés, se retrouvent et se retrouveront en prison pour n’avoir pas dénoncé leurs sources. Ceux que ne veulent pas dénoncer ces journalistes sont, dans la majorité des cas, de dangereux criminels ou des trafiquants en tous genres.
En 1975, la presse s’extasiait devant le New York Times qui a préféré laisser un de ses journalistes (Myron Faber) en prison pendant quarante jours plutôt que de livrer à la justice ses notes confidentielles concernant un médecin qui assassinait ses patients. Les temps changent, les réflexes aussi. Jusqu’à présent, la police réagissait après la diffusion des enquêtes journalistiques et demandait à avoir copie des rushes ou des notes. Cette fois, les journalistes vont de leur propre initiative trouver la police pour lui remettre les éléments de leur enquête. De plus, ils communiquent sur cette divulgation. C’est du Grand N’importe Quoi.
« Le secret des sources pour lequel on se bat tellement saute ici », expliquent, la bouche en cœur, Chabalier et Pujadas. Ah bon ? Qui fixe ces règles ? Pourquoi dénoncer un pédophile et pas un criminel de guerre ? Un assassin ? Pourquoi ne pas décréter qu’en ces temps de crise un journaliste doit dénoncer à la police les criminels en col blanc à qui il aurait parlé ? Qui décide de la nature du crime à dénoncer ? Quand le secret des sources doit-il « sauter » et qui a le droit de le faire sauter ? Notre conception du journalisme et du documentaire nous oppose frontalement sur ce point aux justifications de Capa et des « Infiltrés ». Tout journaliste en situation d’enquête peut et doit avoir des problèmes de conscience qu’il résout au cas par cas, en franchissant parfois certaines limites. Nous ne sommes pas les défenseurs d’un dogme. Là n’est pas le débat que lancent aujourd’hui cette émission et la promotion faite autour. En se transformant en auxiliaires de police des journalistes, en arguant de morale plutôt que d’information, des journalistes ouvrent une brèche qui mène à la délation. Ceux qui seraient tentés de suivre ce dangereux précédent sonneraient le glas de ce qui reste des belles illusions de notre profession. »
En toute honnêteté, il me faut avouer que je ne retranscris cette tribune aujourd’hui que je cautionne dans son intégralité que par incapacité à écrire sans qu’aucune colère ne me fasse déraper sur l’attaque délibérée par l’armée israélienne de la flottille de bateaux qui faisait route vers Gaza avec de l’aide humanitaire… Et sans m’étrangler d’indignation en écoutant le traitement de cette information sur les différents JT … L’Acrimed analyse dans son intégralité les « bavures médiatiques » du 20h de France 2 que David Pujadas orchestrait le soir du raid sanglant. C’est un peu long mais c’est finement observé et ça ne laisse rien passer… autrement dit c’est du bon boulot… à lire : www.acrimed.org/article3391.html
L’Acrimed - Action-CRItique-MEDias, s'est donné pour objectif de remplir les fonctions d’un observatoire des médias. Elle « s’est constituée, depuis sa création en 1996, comme une association-carrefour. Elle réunit des journalistes et salariés des médias, des chercheurs et universitaires, des acteurs du mouvement social et des « usagers » des médias. Elle cherche à mettre en commun savoirs professionnels, savoirs théoriques et savoirs militants au service d’une critique indépendante, radicale et intransigeante. »