Si on était l'avocat de cet accusé si particulier, on construirait notre plaidoirie sur un argument simple : oui, Kerviel est coupable. Coupable d'avoir joué de l'argent qui n'était pas à lui, d'avoir spéculé sur la baisse des marchés, coupable de s'être pris pour Dieu, de s'être pris au jeu, de s'être pris les pieds dans le tapis, le tapis que mettent sur la table les joueurs de poker.
Mais alors, où sont tous les autres joueurs ? Ceux qui ont ruiné la Grèce, et s'apprêtent à faire de même avec le Portugal et l'Espagne ? Devant quel tribunal comparaissent-ils ? Devant quels juges se présentent les patrons de Goldman Sachs, qui, non contents d'avoir foutu la merde dans le monde entier, ont récupéré de l'argent public pour, à nouveau, spéculer, et gagner du fric, encore plus de fric, et mettant à la rue des centaines de milliers d'êtres humains ? Où sont, enfin, les politiques, qui depuis des décennies cautionnent les "marchés", facteurs de croissance et de richesse ? Devant le tribunal correctionnel de Paris, il manquera du monde dans le box des accusés. Du beau monde. Kerviel a juste eu le tort de se prendre pour un capitaine de la finance, alors qu'il n'était qu'un soutier. Quitte a solder des comptes, il faudrait en demander aux vrais coupables. Aux gros coupables. Aux fous criminels qui jouent avec des ordinateurs le destin de pays entiers. Mais bon, on est pas avocat. Ou alors, du Diable.
François GILLET