La Cigale ayant chanté tout l'été
se trouva fort dépourvue
quand la Me'Shell fut venue :
de l'émotion par morceaux
mais trop peu de crescendo.
Elle alla mettre une mine
à FourMe'Shell sa voisine,
la priant de lui accorder
plus de passion pour subsister
jusqu'à la session nouvelle.
"Je vous ai payé, lui dit-elle
avant l'août, foi d'animal,
intérêt et principal".
La FourMe'Shell est un peu bêcheuse :
c'est là son moindre défaut.
"Que vouliez-vous pour mon show ?"
dit-elle, molle du genou, à cette gueuse.
"Nuit et jour, le cœur battant,
je vous attendais, ne vous déplaise."
"Vous m'attendiez ? J'en suis fort aise :
Eh bien, assumez maintenant."
Pour tout dire, Me'Shell NdegeOcello n'était pas forcément dans un grand soir hier. Elle paraissait un peu ailleurs, légèrement déconnectée, les yeux fermés, dans son monde, sa musique. Et même si ses doigts font toujours sonner sa basse comme personne, pas Paul, juste personne, il a manqué ce petit quelque chose qui rend parfois les choses magiques.
La plupart des chansons étaient mélancoliques, certaines tirées de "Bitter", d'autres de son dernier album qui n'est pas forcément le meilleur. Seul morceau de bravoure et d'entrain général pour la salle, une splendide reprise du "The Revolution will not be televised" de Gil Scott Heron mais pour le reste, c'était un peu plat. Le concert a manqué d'un supplément d'âme, oui ok, d'un indéfinissable charme et même d'une petite flamme. Elle l'avait pas, ou peu, hier soir. Pourtant, sur scène, les éléments étaient tous excellents. Me'Shell, d'abord, sa basse de velours, funky, rauque, couillue, son sens du slap, sa technique toute en finesse, dentelle de Calais bien calée. Avec elle, un batteur énorme qui vous met la tronche à l'envers dès la première attaque, Deantoni Parks.
Un batteur avec de la caisse, de la grosse, des bras, des gros et un métronome dans la tête. Ex de The Mars Volta, il bosse aussi avec John Cale, Moby, Cody Chestnutt, Lenny Kravitz, Sade, Basement Jaxx, Tom Waits et on comprend pourquoi. Un son qui vient du fond de la cave, une puissance sonore impressionnante entre John Bonham et Mitch Mitchell.
Puis un guitariste, excellent, Chris Bruce. Bon, il n'en fait pas des caisses mais il est toujours pertinent, sobre, efficace. Et un bassiste, Mark Kelley, dont je ne dirai rien si ce n'est qu'il est très bon mais quand on est bassiste dans le groupe de la meilleur bassiste du monde, on ferme sa gueule et on joue. Ce que Mark a très bien fait d'ailleurs.
Bref, tout était à peu près réuni pour faire monter la sauce mais la mayonnaise n'a pas vraiment pris. Comme quand les œufs ne sont pas à bonne température. On a beau battre, tenter, retenter, rien n'y fait. La soirée n'était pas désagréable pour autant, juste un peu décevante, cotonneuse, en sens unique. Un rappel plus tard, la Cigale repartit sur sa faim et FourMe'Shell à La Haye pour son concert du lendemain. Mais relativisons, un concert moyen de Me'Shell vaut toujours mieux que trois Mozart, cinq Calogero et dix Yodelice réunis. See you next time Me'Shell et doucement sur les doughnuts, little Buddha.