Une fois n’est pas coutume, Giovanni Bisignani, directeur général de l’IATA, dispense de bonnes nouvelles. On savait la reprise amorcée, on ignorait ŕ quel point elle est assurée : les prévisions récemment mises ŕ jour font état, pour l’ensemble de l’année 2010, d’une progression de trafic de 7,1% pour les passagers et de 18,5% pour le fret. Du coup, les 230 compagnies aériennes membres du groupement professionnel devraient afficher un bénéfice de deux milliards et demi de dollars, et non pas des pertes du męme montant. C’est, semble-t-il, le retour annoncé des beaux jours.
Bien sűr, il s’agit lŕ d’une moyenne. En Amérique du Nord, par exemple, la reprise n’a pas vraiment commencé et, en Europe, elle est encore trčs fragile. Le retard ŕ combler est en effet considérable, comme le confirment les calculs d’ID Aéro. Le Cabinet français estime que le trafic des compagnies européennes, pour la période janvier-avril, confirme l’ampleur du fossé ŕ combler mais montre également que la reprise est réelle.
Du coup, le bouillant Giovanni Bisignani (qui prendra sa retraite l’année prochaine) s’offre quelques envolées lyriques, aidé de sa fidčle boule de cristal. Il s’avance ŕ décrire l’industrie des transports aériens ŕ l’horizon 2050, année au cours de laquelle, prédit-il, le trafic atteindra 16 milliards de passagers et 400 millions de tonnes de marchandises, un niveau permettant d’enfin obtenir une rentabilité exemplaire. La sécurité aura fait de nouveaux progrčs et permettra d’approcher du taux zéro accident. Et les émissions de CO2 auront été réduites de moitié, les vols seront quasiment ponctuels.
Ce monde aérien idéal (encore que plausible) sera bâti autour d’une douzaine de méga compagnies mondiales, nées de regroupements successifs, complétées par des transporteurs régionaux ou limités ŕ des niches commerciales. On note au passage que le directeur général de l’IATA ne fait ŕ aucun moment allusion aux compagnies low-cost, soit qu’elles ne méritent toujours pas son attention, soit que quelques-unes d’entre elles figurent sur la liste des futurs géants. Quoi qu’il en soit, sur base de ces perspectives, chacun de nous devrait s’empresser d’acheter ŕ vil prix des actions Air France-KLM ou Lufthansa, une maničre facile d’assurer la fortune de nos petits enfants.
Giovanni Bisignani, s’exprimant dans le cadre de l’assemblée générale annuelle de l’IATA, tenue ŕ Berlin, a aussi commenté des événements récents et des perspectives plus immédiates. En attendant le Nirvana de 2050, il était de bonne guerre, en effet, de rappeler que l’épisode malheureux du volcan islandais Eyjafjöll a coűté 5 milliards de dollars ŕ l’économie mondiale. Un chiffre que confirme par ailleurs Airbus ŕ l’occasion de la publication d’une étude diffusée dans le cadre du World Travel and Tourism Council.
Si le volet européen du transport aérien n’est pas le mieux placé, pour l’instant, en termes de reprise, c’est précisément parce que les cendres volcaniques l’ont touché de plein fouet, engendrant du rude coup d’arręt du trafic. C’est en partie en raison de cet événement pour le moins exceptionnel que le bilan européen 2010 devrait faire apparaître des pertes importantes, actuellement estimées ŕ 2,8 milliards de dollars. Mais faut-il blâmer exclusivement le volcan ? Certainement pas, dans la mesure oů c’est aussi le manque de fermeté de la reprise économique qui justifie la lenteur du redémarrage des compagnies européennes. C’est un sujet de préoccupation qui gâche le plaisir né de perspectives désormais meilleures, d’autant que le Vieux Continent est seul ŕ en souffrir de maničre aussi marquée.
On ne le dira jamais assez, en aviation, rien n’est simple…
Pierre Sparaco - AeroMorning