Écrire que "29 degrés à l'ombre" a été donné à la Piscine de Châtenay-Malabry ressemble à une blague de premier avril mais c'est la stricte vérité.
Salle comble, multiples rappels, public enthousiaste ... et il y avait de quoi. La saison se clôturait avant-hier sur un duo de pièces qui avaient toutes les qualités pour mettre le spectateur de bonne humeur.
Dans la salle, un papa attentif avait été largement remarqué. Richard Borhinger était venu voir sa fille sur scène, in extremis puisque c'était la dernière représentation avant la tournée programmée l'an prochain. Les plus hardis ont demandé un autographe en catimini. D'autres ont exprimé combien ils auraient apprécié une petite rencontre-débat en famille autour de leur métier de comédien. Tous ont salué la qualité d'interprétation de Romane.
Séduit par l'intensité des farces de Molière qu'il a récemment mises en scène à la Comédie-Française, Pierre Pradinas, directeur du Théâtre de l'Union - Centre Dramatique National de Limoges, poursuit son travail autour de la comédie avec deux comédies en un acte de Labiche qui ont conservé leur potentiel de distraction réjouissante. Pour le metteur en scène "Ces textes n'ont rien d'inoffensif, ils sont drôles par leur dimension critique, et c'est sans doute pour cela qu'ils ne vieillissent pas."
29 degrés à l'ombre se déroule dans un décor high tech simulant un jardin prolongé d'une serre et d'une sorte de terrain de boules où la compagnie joue "au tonneau". On devine que selon le récipient qui reçoit la pièce qu'on a lancée on gagne plus ou moins de points. Ce qui est amusant c'est que l'on nous montre seulement les contorsions des joueurs et que le résultat se devine à la tête qu'ils font.
Même s'ils ne sont pas tous fervents amateurs de cette distraction la journée semble promise à une sorte de quiétude lénifiante. Jusqu'à ce qu'un invité sans scrupules tente d'embrasser la maîtresse de maison. Comment Monsieur Pomadour, féroce en paroles mais lâche en réalité, vengera-t-il son honneur bafoué sans risquer sa vie ?
Embrassons-nous, Folleville ! suit dans un décor baroque d'inspiration XVIII° radicalement différent. L'enthousiaste mais soupe-au-lait Manicamp s'est mis en tête de marier sa fille Berthe avec le timide Folleville. Mais Berthe en aime un autre. Il s'agira dès lors de convaincre Manicamp de renoncer à son absurde projet sans déclencher la colère d'un ex futur beau-père très préoccupé du qu'en-dira-t-on.
Cette seconde partie flirte joyeusement avec la comédie musicale. Les comédiens interprètent en play-back leur texte (qui est rigoureusement celui qu'a écrit Labiche, à une exception près : l'allusion à un vase de Limoges qui est brisé, en clin d'oeil à la ville où le Centre dramatique a son siège). Seule Romane Borhinger chante de sa vraie voix et il faut saluer sa performance.
Pierre Pradinas peut se réjouir de partager depuis 10 ans avec une actrice qui a tant de qualités et de ressources cette même vision d'un théâtre populaire et flamboyant qui se vit et se partage avec les spectateurs. Il serait injuste de ne pas rendre hommage aux autres qui sont des partenaires tout autant excellents et qui nous ont fait oublier pendant deux heures qu'il allait falloir patienter jusque septembre ou octobre pour revenir applaudir avec fougue un nouveau spectacle dans cette salle.
Création le 23 février 2010 au Théâtre de l'Union - CDN de Limoges
Mise en scène : Pierre Pradinas
Interprètes: Romane Bohringer, Thierry Gimenez, Gabor Rassov, Gérard Chaillou et Matthieu Rozé