Nous n'avons eu depuis l'ère nouvelle que deux critiques d'art, Aurier et Fénéon : l'un est mort, l'autre se tait. Quel dommage ! car l'un ou l'autre aurait suffi à mettre au pas une école (la pseudo-symboliste) qui, pour un Maurice Denis et un Filiger, nous donna toute une bande de copistes infidèles ou maladroits !Remy de Gourmont (Félix Fénéon, le IIe Livre des Masques, 1898).
En Novembre 1892, la rédaction du Mercure de France annonce dans un encadré noir, la mort de son collaborateur, G.-Albert Aurier. Le numéro de décembre sera consacré au critique d'art, poète et romancier, mort à l'âge de 27 ans, un volume de ses œuvres terminées est prévu pour le début de l'année 1893. La note est suivie du poème d'Aurier, Le Pendu. Chose d'Art, la rubrique tenue par Aurier dans le Mercure est signée en ce mois de Novembre par Gourmont, il écrit en tête :
« Presque entièrement rédigée par Albert Aurier, cette rubrique avait acquis une certaine importance : on y trouvait des renseignements que nulle autre revue, même spéciale, n'aurait donnés. Nous ferons de notre mieux pour qu'elle conserve son intérêt de « petite gazette » de l'Art nouveau. Il y avait entre Aurier et moi, une mutuelle confiance qui nous permettait de signer ici indifféremment l'un pour l'autre, selon l'occasion, mais en toutes questions d'art son avis prévalait ; il prévaudra encore : son esthétique reste la nôtre. »
La rubrique Echos divers et Communications est elle aussi consacrée à G.-Albert Aurier, on y trouve la liste des amis qui se rendirent à Chateauroux pour son enterrement, ainsi que quelques lettres de condoléances envoyées à Vallette, Gourmont ou Julien Leclercq.:
« Si un souvenir, plus tard, peut mêler quelque douceur à l'inconsolable chagrin de ses proches, ce sera celui des affections et des sympathies que laisse notre ami Albert Aurier. De cela témoignent la foule d'écrivains et d'artistes qui vinrent à la gare d'Orléans, le jeudi 6 octobre, pour un suprême adieu et le nombre des amis d'enfance et de collège qui, à Chateauroux, l'accompagnèrent jusqu'au caveau de famille où maintenant il repose.
A la gare d'Orléans, des couronnes ont été déposées par MM. Paul Vogler – l'ami avec qui Aurier fit à Marseille ce voyage de retour duquel il s'alita – Remy de Gourmont, le Barc de Boutteville, puis par un groupe d'amis, les Essais d'Art Libre, la rédaction du Mercure de France, etc.
Parmi les personnes présentes, nous avons reconnus MM. Edouard Dubus, Remy de Gourmont, Julien Leclercq, Jules Renard, Albert Samain, Pierre Quillard, Jean Court, Louis Denise, Charles Merki, Alfred Vallette, Mme Rachilde, P.-N. Roinard, Gabriel Randon, Henry de Groux, Paul Vogler, , Vogler père, Ibels, Le Barc de Boutteville, Georges darien, Edmond Girard, Mme B. de Courrière, André Okenski, Henri Darien, Théodore Chèze, le comte Antoine de La Rochefoucault Fournon, angrand, Roger Marx, Jules Huret, Marcel Collière, M. et Mme Léon Deschamps, Mlle Camée, Léon Maillard, Yvanhoé Rambosson, Léon Riotor, Jules Méry, Léon Dorez, Alfred Mortier, Charles-Henry et Paul-Armand Hirsch, Alejandro Sawa, Tardieu, Etienne Decrept, Ch. Garnier, Emile Devaulx, Louis Kolf, Thézard, Lucien Hubert, Mahut, Arthème Salmon, Moreau, Louis Hugues, Gaston Lesaulx, Forichon, Guillemain, Déguéret, Duchemein, M. et Mme Chernovis, M. et Mme Hautecoeur, Mmmes de Vaux, Jacques de Vaux, Andrhé et Paul Bouché, Vacher, Gustave Moulinet, Richard, Georges et Maurice Pinault, Crespin, Gourin, Clapon, Tissier, Babou, J. des Gachons, Lefebvre.
Nous avons reçu de nombreuses lettres attristées, dont plusieurs de personnes qui ne connaissaient notre ami que par ses publications. Celles que nous insérons ci-dessous émanent d'amitiés plus particulières :
« Mon cher Vallette,
« Dans le train qui marche, le Gil Blas m'apprend l'horrible nouvelle de la mort de notre doux et cher Aurier. Je ne connais pas les siens, mais à vous, notre rédacteur en chef, je tiens à dire – car mon cœur a besoin de le dire à tous en le disant à vous – que je pleure amèrement l'ami perdu.
« Saint-Pol-Roux »
« Mon cher ami,
Je viens, par un faire-part d'apprendre la mort de ce pauvre Aurier, 27 ans ! Et tant de talent, et tant d'avenir ! Est-ce possible ? Mais comment est-il mort ? De quoi ? Il paraissait si fort, si plein de santé !
Je ne connais personne de sa famille. Je ne connais guère que vous, de ses amis. C'est à vous, mon cher Gourmont, que je dis toute ma tristesse. Ici, dans ma solitude, je me fais un monde idéal de jeunes amis. Je leur parle souvent ; ils sont avec moi un peu partout où je suis. Aurier était de ceux-là. Et quoique je ne l'aie entrevu qu'une fois, dans l'ombre d'un théâtre, il m'était devenu cher.
« Il n'y a donc que des deuils dans la vie !
« Je vous embrasse tendrement.
« Octave Mirbeau »
« Mon cher Leclercq,
« Aurier ! Vous disiez : aurier, comme je dis : Carrière.
« Vous devez avoir beaucoup de peine.
« Seulement à 7 heures, hier soir, on m'a remis la lettre. Quel regret !
« Je vous serre la main,
« Jean Dolent »
« Cher Monsieur Vallette,
« Je n'ai pu me joindre à vous deux et aux vôtres au convoi de votre si précieux ami et collaborateur G.-Albert Aurier.
« Prévenu trop tard, j'ai eu la tristesse de ne pouvoir donner cette dernière preuve de sympathie affectueuse à la belle intelligence que fut notre ami.
« Excusez-moi, cher monsieur, auprès de vos amis, et croyez que je prends grande part à votre chagrin, ayant conscience des belles qualités dont la mort, en prenant Albert Aurier, nous a privés.
« Croyez-moi de coeur avec vous dans une profonde émotion.
« Eugène Carrière »
« Georges Lecomte associe ses très vifs regrets à ceux que laisse à tous ses amis du Mercure la mort de ce pauvre grand Aurier, et vous prie d'agréer, mon cher Monsieur Vallette, l'expression de ses sentiments attristés et de sa sympathie bien dévouée. »
« Georges Lecomte »
« Mon cher Vallette,
« J'apprends à ce moment la douloureuse nouvelle. Je regrette bien profondément de n'avoir pu me joindre aux amis qui ont un dernier adieu à celui qui venait de disparaître. Je n'étais pas prévenu.
« Mille regrets de votre tout sincère,
« Ch. Wiest. »
Je passe l'extrait du Journal du Département de l'Indre qui relate la cérémonie de l'enterrement et donne le discours d' Albert Tissier.
Le numéro de décembre 1892 du Mercure de France, contient des Notes sur G-Albert Aurier de son ami Remy de Gourmont. Un Portrait en buste et un portrait en pied de G.-Albert Aurier d'après photographies. Suivent quelques œuvres d'Aurier : Préface pour un Livre de Critique d'Art, Le Don de Joie par le Mystère, Les Captives (sonnet autographe), Pierrot Poète, Aveline. L'article, Le Livret de L'Imagier (IV), signé L'Imagier est accompagné d'un croquis de G.-Albert Aurier d'après Fra Angelico.
Le numéro d'avril 1893, annonce dans Echos Divers et Communications, la fin de la souscription pour le volume des Œuvres Posthumes d'Aurier :
« Œuvres Posthumes de G.-Albert Aurier – La souscription est close depuis le 20 mars. Nous récapitulons ci-dessous, comme nous avons fait pour le Latin Mystique, les souscriptions que nous avons reçues. Le volume ne paraîtra pas d'ailleurs avant la fin d'avril – au plus tôt. Nous prions les souscripteurs qui changeraient de résidence de vouloir bien nous en aviser.
Exemplaires Japon (à 40 fr.) : MM. Octave Mirbeau, A. Landry, Alexis Joyaux, Monnereau, Mme Minna Schrader-de Nyzot.
Exemplaire Hollande (à 20 fr.) : MM. François Alicot, Hugo Vogel, Remy de Gourmont, Alfred Vallette, Julien Leclercq, Pierre Quillard, Paul Vogler, Roger Marx, A.-Ferdinand Herold, Jules Renard, François Coulon, Jacques Robert, Louis de Saint-Jacques, Gaston Danville, Auguste Valade, Birlé, Louis Pilate de Brinn' Gaubast, Mlle de Swart, Jules Chavarasse, Willem Witsen, J.-H. Toole, Edouard Rosell.
Exemplaire papier teinté (à 10 fr.) : MM. Jean Dolent, Maurice Chassang, P.-N. Roinard, Henry de Groux, A. Salmon, Emile Devaulx, Gaston Lesaulx, Laurent Tailhade, Raoul Minhar, Lucien Hubert, Guerlet, Louis Dumur, Albert Samain, Charles Friedlander, Pierre Giat, Georges Mahut, Mme Jeanne Jacquemin, Jules Méry, Henry Leyret, Louis Rouart, Eugène Rouart, Saint-Pol-Roux, Joseph Fradet, Alfred Rousset, Charles Sluyts, Walter Nouvel, Albert Tissier, Armand Seguin, Bibliothèque de Châteauroux, André Okenski, Henri Degron, Auguste Delague, Mogens Balin, A. Diepenbrock, Gaulon, A. Bonger, Wilson, Albert Dautel, Marius Boutinon, André Jolles, Jhô Pâle, J.-F. Raffaëlli, Antonin Bunand, Remi Pamart, Henri de Régnier, W.J.H. Leuring, H.C. Smuling.
La rubrique Livres du mois d'août 1893, donne le détail de ces Œuvres posthumes :
I. Ailleurs, roman ; II. Les Poèmes ; III. Les Affranchis, études et critiques d'art ; IV. Mélanges, théâtre, nouvelles, fantaisies. - Notice de Remy de Gourmont. Portrait à l'eau-forte par A.-M. Lauzet. Lithographies (dans les exemplaires de luxe) d'Eugène Carrière et Henry de Groux ; Dessins et Croquis de G.-Albert Aurier, Vincent Van Gogh, Paul Sérusier, Emile Bernard, Jeanne Jacquemin, Paul Vogler.
Justification de tirage :
10 ex. sur Japon impérial, contenant, hors-texte, le portrait à l'eau-forte de G.-Albert Aurier, en triple exemplaire (Hollande, Japon, Chine), et deux lithographies, chacune en triple exemplaire également.
40 ex. sur Hollande, contenant, hors-texte, un exemplaire du portrait de G.-Albert Aurier et de chaque lithographie.
209 ex. sur Papier teinté, contenant, hors texte, un exemplaire du portrait de G.-Albert Aurier.
La moitié des exemplaires sur Japon et sur Hollande, et 47 exemplaires sur papier teinté, étaient donc souscris, dès le 20 mars.
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Sur le site des Amateurs de Remy de Gourmont : Aurier vu par Gourmont. Portraits du Prochain Siècle : Aurier par Julien Leclercq. Les Dieux méchants de R. de Gourmont (extraits).
G.-Albert Aurier sur le blog La Porte Ouverte : Le Sarcophage Vif. La Larve. Portrait d'Aurier par Gourmont dans le IIe Livre des Masques. Prose sans titre I.
Voir illustrations sur Le Blog de l'Ombre.