Halde: statut d’observateur mais pas de partie à l’instance (Cass. soc., 2 juin 2010, n° 08-40.628).

Publié le 07 juin 2010 par Combatsdh

Conformité au droit communautaire et au droit à un procès équitable de la faculté de la Halde de présenter d’office des observations en justice et statut de celles-ci

par Serge SLAMA

Dans un arrêt de la chambre sociale, la Cour de cassation considère que les dispositions légales donnant à la HALDE la faculté de présenter des observations en justice sont conformes à la directive communautaire relative à l’égalité de traitement dont elle découle et ne méconnaissent pas les exigences du procès équitable et de l’égalité des armes, dès lors qu’elles sont soumises au contradictoire. Elle précise aussi que la HALDE n’a pas la qualité de partie à l’instance mais de simple observateur.

En l’espèce, la HALDE avait été saisie le 19  février 2006 d’une réclamation d’un délégué syndical d’une société de groupage aérien au sujet des discriminations dont il a fait l’objet, en lien avec son appartenance syndicale, à l’occasion de son licenciement.

Après enquête, le collège de HALDE avait estimé que cette mesure constituait un licenciement discriminatoire, pour des raisons explicitement liées à ses activités syndicales et avait décidé de présenter des observations devant la cour d’appel de Paris en application de l’article 13  de la loi du 30  décembre 2004 (Délib. n°2007-188 du 2 juillet 2007 - non accessible sur le site de la Halde). Par un arrêt du 12 décembre 2007, constatant elle aussi le caractère discriminatoire du licenciement, la Cour d’appel de Paris avait annulé le licenciement en application des dispositions des articles L. 412-2 et L. 122-45 du Code du travail et ordonné sa réintégration, ainsi prononcé une condamnation de 24 000€ de dommages et intérêts (voir la recommandation présentant des observations devant la Cour de cassation : Délib. n°2008-201 du 29 septembre 2008).

Dans son arrêt, la chambre sociale a :

- d’une part validé l’arrêt de la Cour d’appel « sauf en ce qu’il vise (…) la régularité de l’intervention volontaire de la Halde » en relevant que « les  dispositions des articles 13 de la loi 30 décembre 2004, modifiées par la loi du 31 mars 2006, qui, sans être contraires à la directive n°2000/43 CE du Conseil du 29 juin 2000, prévoient que la Halde a la faculté de présenter des observations portées à la connaissance des parties ne méconnaissent pas en elles-mêmes les exigences du procès équitable et de l’égalité des armes dès lors que les parties sont en mesure de répliquer par écrit et oralement à ces observations et que le juge apprécie la valeur probante des pièces qui lui sont fournies et qui ont été soumises au débat contradictoire » ;

- d’autre part censuré l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’elle a déclaré recevable l’intervention de la Halde car si les articles 31, 66 (« Constitue une intervention la demande dont l’objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires. Lorsque la demande émane du tiers, l’intervention est volontaire ; l’intervention est forcée lorsque le tiers est mis en cause par une partie ») et 330 du code de procédure civile et 13 de la loi du 30 décembre 2004 modifiée par la loi du 31 mars 2005 ont prévu que les juridictions peuvent, lorsqu’elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, d’office ou à la demande des parties, inviter la Halde à présenter des observations ; que la Halde peut elle-même demander à être entendues par les juridictions civiles ce qui est, dans ce cas, de droit. Elle peut présenter ses observations par elle-même ou par l’intermédiaire d’un représentant qui peut être un avocat.

En revanche, dans ce cadre, la Cour de cassation estime que la Halde « n’a pas le statut de partie » et, par suite, la cour d’appel ne pouvait, sans  violer les textes, déclaré son intervention recevable. Elle devait se contenter « d’entendre la Halde ».

Rappelons que la cour d’appel d’Aix-en-Provence avait déjà eu l’occasion de définir le régime des observations présentées par la Halde au cours d’un procès prud’homal concernant une salariée d’EDF (CA Aix-en-Provence, 8 mars 2007, n°05/19576, Morael c/ SA Electricité de France et a.). Dans une circulaire, le ministère de la Justice avait clairement que l’intervention de la Halde « ne lui confère pas la qualité de partie à l’instance » et qu’en tout état de cause ces observations sont soumises au principe du contradictoire (Circ. CRIM 2005-22, 3 oct. 2005 : BO min. Just. no 100, 1er oct.-31 déc.).

Devant le Conseil d’Etat, des ambigüités ont pu apparaître quant au statut de la Halde (v. not. Le commentaire de G. Calvès sous CE, 10 avril 2009, n° 311888, El Haddioui:  AJDA 2009 p. 1386 qui fait remarquer que la décision mentionne que « La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blanc, avocat de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité » après lecture des conclusions par le rapporteur public que l’article R733-1 du code de la justice administrative prévoit que « Les avocats au Conseil d’Etat représentant les parties peuvent présenter de brèves observations orales après le prononcé des conclusions du rapporteur public ». Voir dans le même sens CE, 25 mai 2010, Baloua AIT BALOUA ; N° 320116, aux tables). Il semble néanmoins, à la lecture des conclusions Guyomar sur l’arrêt Perreux ou du statut attribué aux observations de la Halde sur sagace que le Conseil d’Etat entend lui assigner un statut d’observateur (CE, Ass., 30 octobre 2009, n°298 348, E. PERREUX: RFDA 2009 p. 1125, concl.. M. Guyomar et CPDH 2 novembre 2009).

De juin 2005 au 31 décembre 2009, la Halde a présenté 228 observations devant les tribunaux dont 153 suivies et 33 en attente.

- enfin, évoquant l’affaire au fond, la Cour de cassation estime elle-aussi que le licenciement était discriminatoire « notamment en raison de propos jugés diffamatoires tenus à l’égard de collaborateurs de l’entreprise, soit lors de réunions du comité d’entreprise, soit dans une lettre du 18 novembre 2005 à en-tête du syndicat auquel il appartenait », en application du régime de partage de charge de la preuve issu du droit communautaire (« dès lors que le motifs ainsi invoqué, qui laisse supposer l’existence d’une discrimination en raison des activités syndicales du salarié, se rapporte à des faits commis pendant la période de protection dont bénéficiait l’intéressé, ce qui exclut que le juge judiciaire puisse vérifier si ces faits étaient réels et constituaient des éléments objectifs étrangers à toute discrimination susceptible de justifier la rupture par l’employeur du contrat de travail »).

La Cour de cassation casse  donc l’arrêt de la CA « seulement en ce qu’il qualifie d’intervention la présentation d’observations par la Halde » et renvoie, sur ce point, devant la CA de Paris autrement composé.

On notera que dans un communiqué « Jeannette Bougrab, Présidente de la HALDE » se félicite de cette décision, obtenue grâce à des recommandations adoptées sous la présidence de son prédecesseur. Elle estime que cette décision consacre « le rôle incontestable de la HALDE dans le paysage judiciaire français », alors même que la haute autorité est amenée à disparaître avec la création du Défenseur des droits. Elle passe néanmoins sous silence le fait que la HALDE n’a pas le statut de « partie » et que ses avocats présentaient improprement les observations de la Halde comme des « interventions ».

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Cass. soc., 2 juin 2010, n° 08-40.628

Communiqué de « Jeannette Bougrab, présidente de la Halde, se félicite »

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