La Cour des Comptes n’en finit pas de faire parler d’elle. Il faut dire qu’en ces périodes de disette et de tentatives timides de restrictions budgétaires, on commence à traquer les économies. D’autant plus que la situation ne semble pas s’améliorer. Résultat des courses, ce sont deux petites nouvelles qui ont retenu mon attention en ce lundi matin de juin, pendant que l’Euro et les bourses se cassaient la figure (encore) et que des pays (Espagne, Hongrie) montraient des signes de fébrilité financière…
En réalité, il faudrait passer des heures à éplucher les comptes de la République pour y traquer le monceaux des détournements légaux ou presque que forment en strates épaisses et répétées les habitudes de nos élus.
Il en va ainsi du Service de Protection des Hautes Personnalités (SPHP). On sourira rapidement sur le nom, marqueur déjà bien symptomatique d’un découpage arbitraire entre les personnalités, pas assez hautes pour bénéficier du service, et les autres, les vippes ou vihaillepy, ces personnes qui comptent (par opposition aux autres, les potiches et les tapisseries de la République).
Et ce nom indique à lui seul pourquoi il faut, pour l’élu qui a réussi, disposer de sa propre garde prétorienne : si on en dispose, c’est qu’on est dans le petit clan select et très restreint de ceux qui comptent (ou, à défaut, ont compté, un jour). On comprend la mine particulièrement déconfite de Rachida Dati, qui n’était plus alors dans le gouvernement depuis quelques mois, lorsqu’à la suite d’une petite phrase malheureuse pendant les régionales, elle se vit dépossédée de ses attributs protectifs : elle ne faisait dès lors plus partie du club privé !
Car le plus beau, dans l’histoire, c’est que le service n’est pas lié à la fonction: on peut avoir été ministre, avoir été protégé, et l’être encore alors qu’on n’est plus du tout ministre ou quoi que ce soit. C’est le cas de Dominique de Villepin, par exemple, qui bénéficie encore de cette protection, bien que n’étant élu de personne et plus premier ministre depuis des lustres.
Par exemple, les textes ne justifient en rien la protection accordée aux anciens candidats à la présidentielle (comme Bayrou ou Royal), mais elle est pourtant toujours en place et aura coûté près de 250 000 euros depuis 2007. Même chose pour une certaine Ingrid Bétancourt qui a bénéficié des services rapprochés sans les avoir demandés. Rappelons que Bayrou couine régulièrement au sujet de la dette, que Ségo n’est plus candidate à la présidentielle depuis mai 2007, et que Bétancourt s’est foutue dans les pattes du FARC volontairement.
Et bien évidemment, cette protection, la plupart du temps, ne se justifie en rien. Sans même aller jusqu’à noter qu’il faudrait être fou pour vouloir s’en prendre physiquement à des insignifiants comme ceux qui nous gouvernent, en espérant changer la situation à coup de 22LR, il n’y a pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que le personnel assurant la « protection » se retrouve souvent à faire les petites courses et autres bricoles d’agrément des « hautes personnalités » concernées…
On ne rira qu’à moitié en apprenant que la France est un des rares pays à offrir un tel service, et que les « extensions de garantie » y sont notoirement plus larges qu’ailleurs dans le monde. Et si cela coûte cher, on s’en fiche : on peut emprunter (surtout que le Triple A tient bon, pour le moment).
Dans le même temps, ce sont les Contrôleurs Aériens qui subissent les remarques acides de la même Cour des Comptes. On se souvient qu’en Février, la Cour avait noté les dérapages inquiétants dans la gestion du personnel de navigation aérienne et que l’émotion était un peu montée à ce sujet, pour retomber bien vite alors que l’actualité commandait de brûlants commentaires sur les burgers hallal.
On rebondit cependant sur l’information alors que ce 7 juin, le système de clairances – qui permettait aux contrôleurs de s’accorder jusqu’à onze semaines de congés supplémentaires – doit être abandonné. A côté de leur total assez copieux de plus de 30 semaines de congés, les enseignants font pâle figure.
Avec cet abandon des clairances, on pourra se dire : youpi, enfin un petit mieux dans les dépenses institutionnelles dont les bavouseries, à force de se répéter, finissent par coûter bien plus qu’un pont ou deux aux contribuables … Eh bien on aurait tort de se réjouir trop vite : le temps de travail des contrôleurs n’a pas été remis à plat, alors qu’il est, en continu, le plus long d’Europe, mais qu’au total, les contrôleurs ne travaillent qu’un jour sur deux.
En réalité, il en va de cette profession comme des autres, surprotégées et corporatistes : rien d’essentiel ne bougera, et on fera tout pour faire durer la situation autant que les finances le permettront.
De même qu’il n’y aura pas de remise à plat du Service de Protection des Grosses Légumes, il n’y aura pas de remise en cause de toute la panoplie des zavantages zacquis de chaque petite corporation, et ce, tant que chacun ne sera pas au pied du mur.
Pour le moment, on s’attaque, en haut du gouvernement, à la partie la plus congrue de l’énorme iceberg des bricolages ad-hoc et des petits ou gros privilèges des uns et des autres : on rabote les niches fiscales, au prétexte que les riches doivent payer.
On se gardera bien de raboter les niches corporatistes : trop nombreuses et pouvoir de nuisance bien trop grand. Il faudra une catastrophe majeure pour que les gens décillent enfin.
Mais alors, quand elle surviendra, ce pays sera foutu.