Gunhed

Par Ledinobleu

Milieu du XXIème siècle. Sur une île du Pacifique baptisée « 8 J O » a jadis été installé un gigantesque complexe industriel sous la direction de l’ordinateur Kyron-5 pour développer des systèmes exploitant le texmexium, une substance révolutionnaire aux propriétés à l’époque mal connues.

Mais Kyron-5 a exterminé tout le personnel du complexe. Alors un bataillon équipé de tanks à configuration variable de type Gunhed a été envoyé pour reprendre le contrôle de l’installation, avant de se faire écraser par l’ordinateur fou. Et l’île est devenue zone interdite…

Jusqu’à ce que des pillards de technologies arrivent pour y récupérer tout ce qu’ils pourront monnayer. Très vite, le groupe est décimé, et seul survit Brooklyn, le mécanicien de l’équipe, un orphelin jadis recueilli par le chef de ces pirates mais qui garde toujours la phobie des cockpits.

Avec l’aide de la ranger Nim et des enfants étranges Seven et Eleven, seuls survivants des techniciens du complexe, il devra arrêter Kyron-5 dont les plans de conquête sont sur le point de se déclencher.

Il trouvera un allié inattendu : les restes d’un Gunhed que seuls ses talents de mécanicien lui permettront de remettre en marche.

Pour autant qu’il parvienne à surmonter sa phobie des cockpits…

Inutile de tourner autour du pot : Gunhed n’est pas un bon film. Il n’est pas non plus franchement mauvais pour autant, mais plutôt en dessous de la moyenne de ces films d’action et de science-fiction typiques des années 80. Par contre – et c’est ce qu’il lui vaut un billet ici – il propose des mechas… Enfin, au moins un, mais tout de même dessiné par Shoji Kawamori, ce qui reste un gage de qualité.

L’ambiance est ici résolument industrielle puisque toute l’action se passe dans ce complexe évoqué dans le synopsis ci-dessus. Quelque part entre les deux premiers Alien – celui de Ridley Scott pour la première partie de l’histoire où le groupe de pirates se fait tuer jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un, et le second pour le reste du récit basé sur l’action (mais ici essentiellement méchanique, comme je l’évoquais plus haut) –, ce film se caractérise par une atmosphère de métal et de rouille où les seuls êtres vivants qu’on y trouve ne sont pas supposés le rester longtemps ; sauf pour les deux enfants Seven et Eleven puisqu’ils ont un rôle majeur à jouer dans les plans de l’ordinateur misanthrope Kyron-5 ; mais n’anticipons pas…

Cette ambiance est une perfection dans la représentation car où qu’on regarde il n’y a que machines, palans, bidons, volutes de fumée et liquides visqueux comme seule la Révolution industrielle a su en produire. Dans cet environnement de grincements et de sifflements ne demeure qu’une chose : Kyron-5 lui-même, qui est omniprésent sans qu’on le voie à aucun moment. Ici, les êtres humains sont comme des rats des champs dans une cité qui les dépasse : voués à l’extinction – encore qu’il ne faut jamais sous-estimer les capacités d’adaptation de ces rongeurs, alors que celle des humains par contre…

Bref, Gunhed est tout à fait en phase avec son époque où l’hypertrophie se trouvait dans tous les thèmes, ce qu’ont très bien démontré à la fois les cyberpunks et le rock industriel, entre autres, et dont ce film s’inspire par ailleurs beaucoup, au moins de manière sous-jacente – à moins qu’il s’agisse d’une de ces coïncidences dont les productions artistiques s’avèrent souvent expertes : l’inspiration des créatifs, en effet, a ses raisons que la raison ignore souvent. Car si la technologie est ici omniprésente, elle y est aussi dépassée, anachronique dans ses progrès constants et donc rendus sans cesse périmés par les suivants qui arrivent toujours trop tôt, ce qui est somme toute une excellente représentation de la réalité des développements techniques.

Un autre aspect frappant concerne les dialogues qui mélangent le japonais et l’anglais, y compris dans la version originale. Alors que ce film n’est pas une coproduction américano-japonaise pour autant que je sache. Doit-on y voir une autre facette de ce cyberpunk qui, à l’époque du moins, considérait le Japon comme le grand gagnant de cette vaste guerre économique généralisée qu’on appelle pudiquement aujourd’hui « mondialisation » ? Peut-être bien… À moins que ce mélange des langues soit l’expression d’une volonté de plus parfaite coopération entre deux anciens ennemis qui se sont bien trop déchirés au cours de la guerre dans ce même Pacifique où est justement située l’île qui sert de repaire à Kyron-5

Mais en fin de compte tout ceci évoque plus une sorte de confusion de la part d’un scénariste qui semble ici plus concerné par l’aspect action de son récit que par son symbolisme. Quoi qu’il en soit, on n’en saura pas plus car l’année de la sortie de ce film est aussi celle de la crise financière qui a anéanti les marchés nippons, et dont ils ne se sont toujours pas relevés. De sorte que malgré son succès réel au box-office nippon la légende de Gunhed s’arrête là, comme bien d’autres projets qui auraient mérité des développements mais n’en ont jamais vu le bout du nez.

Reste un film de série Z, qui se laisse regarder si vous n’avez rien de mieux à faire, ou qui sera une incarnation plutôt plaisante de votre genre de prédilection si vous êtes mechaphile – ce dont on ne saurait vous tenir aucune rigueur.

Notes :

Ce film connut deux adaptations : la première en 1989 sous forme d’un jeu vidéo pour la PC Engine, publié sous le titre de Blazing Lazers en Amérique du Nord, la seconde sous forme d’un manga par Kia Asamiya, publié chez Kadokawa Shoten en 1991.

Le groupe canadien Front Line Assembly a utilisé des séquences de ce film pour le clip du morceau Mindphaser extrait de leur album Tactical Neural Implant.

Le roman Lumière virtuelle (1993) de William Gibson présente un véhicule de patrouille blindé surnommé « Gunhead« .

James Cameron, réalisateur de Titanic et d’Avatar, est un fan confirmé de Gunhed.

Gunhed est l’acronyme de Gun UNit Heavy Elimination Device.

Gunhed (Ganheddo, 1989), Masato Harada
ADV Films, 2008
100 minutes, pas d’édition française à ce jour