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Trop faciles, les réformes!

Publié le 09 décembre 2007 par Bernard Girard
Nicolas Sarkozy est en passe de réussir l'un des points forts de son programmes : les réformes. Celle sur les régimes spéciaux de retraite est bien engagée, celles sur la fusion de l'ANPE et l'Unedic et la réorganisation du ministère de l'économie et des finances sont également en bonne voie. Au delà des satisfecit bien légitimes (qui pourrait reprocher à un politique de se féliciter de ses succès et de se comparer avantageusement à ses prédécesseurs?), ces succés amènent à s'interroger sur les causes de ces réussites après tant d'échecs.
Deux au moins de ces réformes relèvent du même scénario : depuis longtemps envisagées, préparées par de nombreux rapports, elles ont suscité une forte opposition des salariés concernés, voire des conflits majeurs qui ont vu le gouvernement reculer au point que leurs promoteurs (Juppé, Sauter) ne s'en sont pas remis.
Or, cette fois-ci, cela parait en bonne voie. Pourquoi?
Dans le cas de la SNCF, deux facteurs semblent avoir été déterminants :
- le renouvellement des équipes. Encore que je n'ai pas vu de chiffres, on peut penser qu'en 12 ans, les effectifs de l'entreprise ont été fortement renouvelés, surtout dans ces métiers où l'on part le plus tôt à la retraite. Les cheminots entrés dans l'entreprise depuis 1995 savaient bien que leur régime de retraite était menacé, qu'il y avait de fortes chances qu'ils n'en bénéficient pas pleinement ;
- l'évolution des organisations syndicales sur le sujet. A part Sud, qui campait sur les 37,5 annuités de cotisations, toutes les autres centrales avaient accepté, fut-ce du bout des lèvres, le principe d'un allongement des durées de cotisation.
Au Ministère de l'Economie et des Finances, on observe des évolutions voisines. L'idée de guichet unique pour les contribuables a fait son chemin, au point que la CGT en a fait la promotion dans ses publications sous le nom d'Hôtels et de Maisons des Finances où sont regroupées les différentes administration. Ce n'est pas tout à fait la réforme voulue par le gouvernement, mais on en est proche.
Dans les deux cas, le plus frappant est l'évolution des organisations syndicales qui ne s'opposent plus frontalement aux projets gouvernementaux, mais tentent, par différents biais, de les ajuster de manière à les rendre le moins douloureuses possibles pour les salariés. Or, cela fait une différence considérable.
Dès lors que les organisations syndicales ne s'opposent plus frontalement au projet de réforme, dès lors qu'elles n'en contestent plus le sens et l'esprit, il reste à négocier des contre-parties pour les salariés dont la situation va évoluer. C'est beaucoup plus facile, surtout si le gouvernement s'est à ce point engagé dans l'affirmation de sa volonté de réforme qu'il est près à beaucoup (c'est-à-dire à ouvrir large son portefeuille) pour atteindre son objectif. Paradoxalement, les organisations syndicales n'ont jamais été en meilleure position pour négocier des avantages pour leurs mandants. Leur défaite apparente (elles ont cédé sur l'objectif affiché par le gouvernement) leur donne en réalité le moyen de négocier dans les meilleures conditions.
En résumé, l'un (Nicolas Sarkozy) aura triomphé sans beaucoup d'efforts quand les autres vont gagner beaucoup au prix d'une petite défaite dans les médias.
On a beaucoup dit que les organisations syndicales avaient mis de l'eau dans leur vin pour ne pas se mettre à dos les salariés du privé qu'elles tentent par ailleurs de séduire, que cela a contribué aux différences d'appréciation entre la CGT cheminots et Bernard Thibault. L'argument n'est pas complètement convaincant : le salarié qui souhaite être bien défendu a intérêt à se rapprocher des organisations les plus déterminées. Sa gêne occassionelle, bien loin de le metre en colère contre la CGT, devrait au contraire l'inciter à s'en rapprocher dans son entreprise.
Le changement d'attitude des organisations syndicales relève probablement d'autres causes plus complexes qui renvoient à ce qui s'est passé après les crises majeures vécues à la SNCF et au Ministère de l'Economie.
Dans le cas du Ministère de l'Economie et des Finances, on ne peut exclure un effet de révision a posteriori des positions syndicales. La victoire des syndicats a été obtenue à un prix très élevé pour un gouvernement de gauche dont les syndiqués étaient plutôt proches et on a vu se développer chez certains une sorte de regret, un "nous sommes allés trop loin", "cette réforme et les conditions dans lesquelles elle était proposée ne justifiaient certainement pas ces conséquences", mouvement de regret qui a pu amener beaucopup à reconsidérer les objectifs de la réforme et à les accepter. Des enquêtes menées après le mouvement de 2000 ont montré que les agents, plutôt hostiles à la réforme avant qu'elle soit annoncée, l'acceptait après.
Dans le cas des régimes spéciaux, d'autres facteurs ont joué. Le débat n'a pas été limité à la sphère publique. Chaque agent l'a rejoué dans son univers privé, avec sa famille, ses proches, a du, pendant des années, défendre ses positions. On peut penser que ce travail souterrain, travail d'autant plus approfondi que la grève de 1995 avait été plus longue, a joué, conduit beaucoup de cheminots à réévaluer leurs positions et en a amenés beaucoup à se battre sur un nouveau terrain : oui à la réforme si elle me permet de conserver, à titre privé et personnel, les avantages que le système ma garantissait.
Dans les deux cas, la réforme aura réussi parce que préparé par un long travail réalisé en souterrain, loin des lieux de négociation traditionnels, dans les services, dans la sphère privée, là où réévalue ses positions et les construit.
Tout cela amène à nuancer le jugement que l'on pourra porter sur les réformes de Nicolas Sarkozy. Il aura d'autant plus facilement réussi :
- que le terrain a été longuement préparé,
- qu'il s'est mis en faisant monter très haut les enjeux en position de céder rapidement aux exigences des salariés.

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