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Les ministres et leurs logements de fonction : un scandale récurrent

Publié le 07 juin 2010 par Letombe

Les ministres et leurs logements de fonction : un scandale récurrent

Les récentes affaires Estrosi et Amara en attestent : les scandales liés aux appartements de fonction des membres du gouvernement ne sont pas près de disparaître.

Nicolas Sarkozy avait pourtant mis les choses au clair, en février 2007, promettant une fois élu de mettre fin aux affaires liées aux logements de fonction des ministres. “Si je suis élu, je laisserai un appartement de fonction uniquement pour les ministres qui en ont besoin”, annonçait le candidat à l’élection présidentielle, tambour battant.

Trois ans après son élection, les scandales liés aux appartements de fonction font toujours les choux gras de la presse.

Les récentes affaires Estrosi et Amara en attestent, rien n’a été fait pour endiguer cette triste récurrence de la République.

Avant Amara, nombre de politiques se sont faits épingler pour des affaires d’appartements. Le logement de fonction peut-être une nécessité liée aux responsabilités d’un élu. Cet avantage peut aussi se transformer en abus et ceux qui se sont fait prendre l’ont souvent payé très cher.

Une mise au point avait été faite après l’affaire Gaymard, avec la circulaire Raffarin : seuls les titulaires d’un ministère ne disposant pas d’un appartement de fonction sont autorisés à louer, sur les crédits de l’Etat, un logement dans Paris. Lequel ne doit pas excéder 80 mètres carrés, plus 20 mètres carrés par enfant. De plus, un ministre ne peut bénéficier d’un appartement de fonction s’il a déjà un logement dans la capitale.

Fadela, la famille, et le logement de fonction
La secrétaire d’Etat à la politique de la ville n’est pas en reste. Le 1er juin 2010, elle se fait épingler à son tour pour avoir logé deux de ses frères, au moins, dans un logement de fonction mis à sa disposition par l’Etat.

L’ancienne présidente de Ni putes ni soumises pouvait-elle seulement faire autrement ? Fadela Amara habite dans un modeste deux pièces de 50m² situé dans le 13ème arrondissement et appartenant à la régie immobilière de la ville de Paris, appartement qu’elle loue par ailleurs 700 euros par mois.

Fort heureusement pour elle, et pour sa famille, l‘Etat a mis à sa disposition place Fontenoy, dans le VIIème arrondissement, un quatre pièces de 120m² avec vue sur la tour Eiffel que la secrétaire d’Etat à la ville, qui “défend la mixité sociale” refuse d’habiter.

C’est ainsi qu’elle a pu y accueillir l’un de ses frères en 2009, puis un autre en 2010, selon le Canard Enchaîné, qui ajoute qu’”à l’occasion, ces heureux sous-locataires ont le droit de profiter des talents du cuistot mis à la disposition de la sous-ministre et d’un maître d’hôtel”. Information confirmée par ses services, qui reconnaissent que Fadela Amara a pu héberger occasionnellement des proches dans l’appartement de fonction qui lui est réservé.

“Personne n’habite à plein temps dans cet appartement mais certaines chambres sont utilisées de temps en temps”, Fadela Amara “y héberge parfois sa famille”, indique alors une porte-parole.

Estrosi et sa “sous-pente”
Opération de communication mois de mai 2010, au ministère de l’Industrie. Par soucis de “transparence”, Christian Estrosi a invité la presse à venir visiter ses appartements pour faire taire les “accusations mensongères” du Canard Enchaîné. Dans un numéro paru la veille, le journal affirme que le ministre de l’Industrie bénéficie de deux logements de fonction à Paris, dont l’un est occupé par sa fille.

Une visite qui laissera un goût amer aux journalistes présents.

Car si la défense du ministre de l’Industrie est pour le moins originale, l’encadrement des médias par les conseillers du ministère est tel qu’elle laisse planer le doute sur la sincérité de l’initiative. Car pour infirmer les informations du Canard Enchaîné selon lequel Christian Estrosi a à sa disposition deux appartements de fonction, le ministre fait visiter… deux appartements de fonctions.

Le premier, une modeste “sous-pente”, selon Chrisitian Estrosi, est un trois pièces de 70m² situé dans une annexe du ministère des Finances, au 80 rue de Lille, où se trouve l’hôtel Seigneley, un hôtel particulier du XVIIIe siècle. Y loge l’une des filles Estrosi, étudiante de son état, ce que ne dément en aucun cas le ministre. Sur le lit : une veste a été jetée négligemment ; près de la commode : des pantoufles de toute évidence neuves ont été soigneusement rangées. La mise en scène est grotesque.

Quant au deuxième appartement, un vulgaire “bureau reconverti” selon le ministre de l’Industrie, il s’agit en fait d’un duplex de 60m² situé rue de Bercy et donnant sur la Seine. En revanche, il ressemble plus à une chambre d’hôtel aseptisée qu’à un véritable “pied-à-terre”. De toute évidence, le logement de fonction n’est pas habité.

Transparence, oui, mais transparence opaque.

Et Tron de justifier…
Il y eut également George Tron, épinglé pour un 118m² (avec terrasse et deux parkings) loué à une société HLM, et la défense minable du secrétaire d’Etat à la fonction publique : “Il ne s’agit pas d’un HLM mais d’un ILN ‘Immeuble à loyer normal’”, ILN géré par l’office HLM, et dont le loyer est inférieur de moitié au prix de marché.

Fillon, sans commentaire
Le François Fillon qui obtient la démission de Jean-Paul Bolufer pour une affaire de logement de fonction se fait discret, lorsqu’en 2009, le Canard enchaîné révèle que son appartement de fonction passe de 78 m2 à l’époque de Jean-Pierre Raffarin à 309 m² pour accueillir la famille du Premier ministre. D’après son service de presse, il a simplement percé une cloison… Une réalité dont il “répugne à parler”, indique l’hebdomadaire satirique, “tant il n’a de cesse de se montrer simple, modeste et économe”.

Le “véritable scandale” de Bolufer
Lorsqu’il devient directeur de cabinet de la ministre du logement Christine Boutin, Jean-Paul Bolufer occupe un appartement 190 m2, dans un immeuble de standing du boulevard de Port-Royal, à Paris. Il paie un loyer d’environ 1 200 euros auprès de la Régie immobilière de la Ville de Paris, contre 4 700 euros environ s’il payait un prix de marché. Ce logement lui a été attribué en 1981 lorsqu’il était directeur adjoint du cabinet du maire de Paris, Jacques Chirac. Lorsqu’en 2007 la presse révèle cet avantage, l’homme jure qu’il ne bénéficie d’”aucun privilège personnel”.

Peu avant, le directeur de cabinet de Christine Boutin s’est même autorisé cette déclaration sur France-Culture: “Qu’aujourd’hui se trouvent dans le parc HLM des gens qui ne devraient pas y être, et que se trouvent dans la rue des gens qui devraient être dans les HLM, je considère que c’est un véritable scandale. ” En décembre 2007, François Fillon obtient la démission du directeur de cabinet de la ministre du logement. Peu de temps après, Jean-Paul Bolufer déménage.

Benoist Apparu, jeune RPR en CDI
Au même moment, le député de la Marne Benoist Apparu rendait les clefs de son appartement en toute discrétion, un vaste logement social de 45m2 situé dans le très bourgeois quartier du Marais à Paris, loué 672 euros par mois. Appartement que Benoist Apparu occupait depuis une dizaine d’années environ et dont il avait bénéficié lors de son accession à la présidence des jeunes RPR de Paris.

A son tour “droit dans ses bottes”, Benoist Apparu justifiait alors son ancienne situation dans un entretien au Parisien : “Je n’étais pas dans l’illégalité. Lorsque j’ai pris possession de l’appartement, j’avais un petit salaire, correspondant aux conditions de ressources exigées. Depuis, je suis devenu député pour la première fois et mes revenus ont évolué. J’ai donc décidé de résilier le bail il y a trois semaines”.

Le scandale n’était pas loin. D’autant qu’un homme s’était à l’époque scandalisé publiquement des conditions d’hébergement de certains administrés Français. “Des gens qui occupent en France des appartements sociaux depuis longtemps, alors que leurs revenus ne sont plus en rapport avec leur loyer, il y en a des centaines de milliers”, pouvait-on lire dans le quotidien régional l’Union de Reims, qui transcrivait les déclarations de… Benoist Apparu.

La “grosse connerie” de Gaymard
En février 2005, Hervé Gaymard est homme un ministre de l’Economie et des Finances comblé… jusqu’à ce qu’éclate la polémique sur son logement de fonction, un appartement de 600 mètres carrés à 14 000 euros loué par Bercy. Le ministre s’indigne : “Si je n’étais pas le fils d’un cordonnier-marchand de chaussures, je n’aurais pas de problème de logement. Je serais propriétaire de mon appart et il n’y aurait pas toutes cette affaire”.

Hervé Gaymard s’enferre, il est en fait lui-même propriétaire d’un appartement de 200 m2 à Paris, appartement dont il perçoit le loyer. Le ton change alors et Hervé Gaymard veut réparer cette “grosse connerie”. Il va quitter la rue Jean-Goujon et rembourser 58.894 euros de loyer. Il résiste dix jours mais finit par démissionner.

De cette affaire est née la circulaire Raffarin.

Tibéri, “candidat quand même”
En juillet 1996, un procureur classe sans suite l’affaire de l’appartement du fils de Jean Tiberi. Lorsqu’en 1995, la presse révèle que le maire de Paris a personnellement attribué un appartement à sa fille et à son fils, un vent de panique souffle pourtant sur l’Hôtel de ville.

Jean Tibéri n’a pas fait que trouver les appartements. De luxueux travaux sont entrepris dans celui du fils, Dominique Tibéri : 1,5million de francs, alors qu’une réhabilitation moyenne pour un appartement géré par l’Opac était en 1993 de l’ordre de 40000 francs. Le frère et la sœur, qui possèdent et louent chacun un appartement, ne profitent pas longtemps des largesses de leur père et quittent leurs logements peu après ces fracassantes révélations. Jean Tiberi, lui, conserve son inaltérable sourire et reste “candidat quand même”.

Juppé et “les chiens”
En décembre 1995, Alain Juppé dit finalement “mieux comprendre” à qui pensait François Mitterrand lorsque, après le suicide de Pierre Bérégovoy, il avait désigné les “chiens”. Selon le Premier ministre de l’époque, l’affaire de son appartement est un complot monté par des journalistes d’investigation, des juges d’instruction et des policiers. “Une cabale d’inspiration trotskiste assortie du plaisir pervers de se payer un Premier ministre.”

A l’époque où il n’est qu’adjoint aux finances de la Mairie de Paris, Alain Juppé s’attribue un superbe logement du domaine privé et fait bénéficier sa famille des mêmes avantages : un pour son fils, corrigeant au passage le loyer de ce dernier, un pour son demi-frère, un pour son ex-femme et un pour sa fille. Cinq appartements au total.

Face aux caméras, Alain Juppé “reste droits dans (ses) bottes”. Sur injonction du procureur, il est pourtant contraint de déménager.

Chirac, blanc comme neige
Jacques Chirac a lui aussi eu droit à un scandale immobilier, lorsqu’en 1995 une villa et un jardin situé rue du Bac, à Paris, avaient été acquis par les HLM municipaux pour le maire de l’époque, Jacques Chirac. Celui-ci c’était alors défendu d’”n’avoir eu aucune espèce d’ingérence, d’interférence, de rôle, de relation quelconque dans le cadre de la transaction”. Circulez, il n’y a rien à voir.

(Louis Morice et Tristan Berteloot – Nouvelobs.com)

merci à Section du Parti socialiste de l'île de ré

à lire :

René Dosière pour la suppression des logements de fonction des ministres


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