Dans un rapport publié le 16 décembre, la Cour des comptes met en exergue le fait que le nombre de fonctionnaires continue d’augmenter en France contrairement à ce que l’on pourrait penser en vertu de la règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Ce rapport confirme les chiffres de l’iFRAP en évoquant + 36 % d’augmentation des effectifs publics entre 1980 et 2008. Nous avons en France 20 % d’agents publics dans la population active là où l’Italie en a 14 %, la Suisse 11 % ou le Royaume-Uni 9,5 %.
Cela a représenté, selon la Cour des comptes, un coût de 300 milliards, entre salaires et pensions, en 2007. Là où tous nos voisins européens baissent leurs effectifs, suppriment leurs statuts à vie ou les réserve aux agents ayant réellement des missions régaliennes, la France continue à embaucher dans le public des effectifs qui lui coûteront chacun , confirme la Cour des comptes, 3,5 millions d’euros « tout au long de sa vie ».
Et l’idée répandue en France qui voudrait que les pays dotés d’une proportion importante d’agents publics soient aussi ceux ou les agents relèvent d’un statut à vie est erronée. Proches de nos frontières, la plupart des pays dotés historiquement d’une fonction publique de carrière ont procédé à des réformes profondes de leur statut public. L’Italie est, parmi ceux-là, le pays qui a connu la réforme la plus radicale de sa fonction publique. Désormais, les agents publics italiens sont pour la plupart soumis au droit commun du travail à l’exception des magistrats, des militaires, des policiers, des diplomates des membres du corps préfectoral et des universitaires.
Un peu plus loin de chez nous, la Suède qui a aussi plus de 20 % de sa population active dans le secteur public, a fait passer quasiment tous ses agents publics (sauf militaires, policiers, magistrats et professeurs de l’enseignement supérieur qui relèvent toujours du statut) sous contrat de droit privé. Quant à la fonction publique allemande, elle est en diminution en moyenne de 1% par an pour un total de 4,6 millions d’agents. Avec 60% d’agents de droit privé et 40% de fonctionnaires sous statut n’ayant pas le droit de grève, l’Allemagne a un taux de fonction publique au sein de la population active de 11,3 %.
Déjà en 2008, le Livre Blanc sur la Foncation publique du conseiller d’Etat Jean-Ludovic Silicani soulignait l’immobilisme de la fonction publique française, comparée à celles de nombreux autres pays. Concentrant ses analyses sur sept d’entre eux –Allemagne, Canada, Espagne, Italie, Portugal, Royaume-Uni et Suède-, il constatait que le système français, celui des fonctionnaires poursuivant leur carrière sous la protection de leur statut, est loin d’être dominant : « la France est, avec l’Espagne, l’un des seuls pays d’Europe occidentale dans lequel les agents employés par des opérateurs publics pour l’exécution du service public administratif relèvent presque exclusivement d’un régime de droit public ».
Qui plus est, les pays qui se rapprochaient le plus du nôtre ont fait évoluer leur propre système, et cette évolution les éloigne du modèle de la fonction publique à la française. Ainsi, concluait le rapport Silicani, « des quatre pays disposant historiquement d’un système de fonction publique de carrière, à savoir l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la France, notre pays est le seul à ne pas avoir entrepris de réforme d’ampleur de sa fonction publique depuis vingt ans. »
Alors, quand Philippe Séguin déclare qu’il « y a urgence à mettre en place une politique globale de gestion des personnels publics », l’iFRAP se permet d’ajouter qu’il y a urgence à embaucher les personnels publics dont les missions ne sont pas régaliennes ou de souveraineté nationale sous contrats de droit privé type CDI ou CDD. Cela permettrait évidemment une gestion plus souple des ressources humaines et permettrait de remédier à l’effet « récompense aux mauvais élèves » que dénonce la Cour de comptes s’agissant de la règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Aller plus loin que cette règle s’impose.
FranceItalieAllemagne SuèdeSuisseRoyaume-Uni
Population totale65,060,082,09,17,661,0
Population au travail25,523,238,14,54,428,4
Nombre de fonctionnaires5,23,44,91,10,52,8
Fonctionnaires/Population au travail20,4 %14,6 %12,9 %24,8 %11,2 %9,7 %
- Sous Statut81 %15 %38 %0 %0 %10 %
- Sous Contrat19 %85 %62 %100 %100 %90 %
Indicateur de réduction des effectifs 95-05+ 1,1- 4,8+ 0,0- 6,5-+ 8,3
FranceCorps, échelon, grade + primes aux responsabilités et à la performance
ItaliePerformance évaluée annuellement
AllemagneMérite et ancienneté
SuèdeNégociation annuelle et individuelle. Pas d’avancement automatique
SuisseFonction, expérience et performance évaluée annuellement
Royaume-UniResponsabilités et performance
Agnès Verdier-Molinié
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