Simulacre

Publié le 07 juin 2010 par Jlhuss

Ça l’a pris d’un coup comme ça, un soir il est rentré, il a bu tout son saoul et puis il m’a annoncé que c’était fini, qu’il me quittait là, tout de suite ; qu’il ne passerait même pas une dernière nuit avec moi. Comme il était fréquent qu’après avoir bu excessivement il devienne menaçant, blessant, je n’avais pas pris de suite la mesure de cette sentence mais je compris bien vite que cette fois c’était la fin.
La vraie fin, définitive, sans appel, celle des chemins qui se séparent à tout jamais. Je n’étais même pas triste, pas bouleversée. J’aurais voulu pleurer mais cette annonce était si soudaine que le train de la routine en cette fin de journée continuait son bonhomme de chemin comme si de rien n’était en niant la criante évidence.
C’était fini, il ne restait qu’ un éclat de verre sur le sol, résumé tranchant de toutes ces années ensemble.

Et puis il là prit elle, à part, lui expliquant la misère de sa vie à venir, sa souffrance certaine, ma faiblesse inexcusable…. je ne suis rien, personne, je ne lui serais d’aucun secours dans sa vie future, d’aucune utilité. Avec ou sans moi elle ne sera rien. Il veut détruire ce soir, détruire tout y compris notre espoir.
Il prend des mesures concrètes avant de partir. Il me déchire, déchire ce qui jusqu’à cet instant a été ma vie et ça lui plaît, il pense être dans son bon droit. Il a le droit de décider de notre sort, de nous détruire à cette seconde, de décréter notre mise à mort. A l’instant il est sans émotions. Il est juste méchant. Et méchant encore plus devant mon impassibilité, mon absence de larmes, de cris pour le supplier et le retenir malgré tout, malgré ce qu’il est, un être torturé et malade, échoué, qui n’a plus que sa colère, sa furie pour exister et l’alcool aussi.
Il lui fait mal maintenant elle pleure. Il jure qu’elle ne le reverra jamais alors elle veut le suivre mais il la rejette, ultime cruauté jubilatoire en cette fin de semaine qui sonne comme la fin du monde.
Je fume une cigarette, imagine que ça pourrait être vraie, et puis m’étourdis dans le camphre de mes pensées. Mon esprit s’envole, je suis presque bien. Qu’aurais-je à craindre, que pourrais-je tant redouter ? d’une situation désespérée pouvait naître quelque chose. Ce départ pourrait être un début, le début d’une autre de mes vies, une vie ou je ne ferais aucune concession, que je peindrais à ma manière, tout en égoïsmes, juste pour moi et avec elle. Je lui montrerais à elle comme la vie peut être belle, quand la folie disparaît pour faire place au bonheur, même en équilibre, même tout petit minuscule comme s’il pouvait s’éteindre au moindre murmure, et puis qui grandit en se nourrissant de l’espoir que l’on met en lui. De l’espoir j’en ai plein, j’ai épuisé mes larmes.

Martha