Pour sa quatričme édition, le salon international de l’aviation générale de Cannes, Eur-Avia, a confirmé qu’il est toujours bon de persévérer. Le voici solidement ancré dans le calendrier aéronautique et il lui suffira sans doute de rester ce qu’il est pour parfaire sa réussite. C’est-ŕ-dire un salon accessible, Ťbienť fréquenté, avec une bonne dose de décontraction. Le soleil et la mer feront le reste.
Il y avait du monde, les exposants évoquaient d’intéressants prospects. Et cela dans une ambiance de crise finissante, a priori peu propice ŕ l’aviation privée et moins encore aux avions d’affaires. Commentaire d’un exposant américain, qui nous a demandé de préserver son anonymat : Ťla récession nous a fait redescendre de vingt marches et, depuis que cela va mieux, nous en avons remonté …deux ť. Une bien lente montée des marches. Heureusement, il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre et, cette fois-ci, la reprise pointe vraiment ŕ l’horizon. Sans parler de l’attrait d’avions d’occasion exposés dans le cadre d’Eur-Avia. Il y avait lŕ de bonnes affaires potentielles.
Environ 350 marques et exposants, ont dit les organisateurs. Avec des stands qui valaient le détour, dans la mesure oů l’on y présentait des projets intéressants, par exemple chez Daher-Socata, Lisa Airplanes et Wijet. Et des absences remarquées (et regrettées), ŕ commencer par celle du tandem Dyn’Aviation/Aérodif qui a récemment repris le flambeau de la défunte société Apex, assurant ainsi la survie, notamment, de la gamme ex-Robin. Autre grand absent, Dassault Aviation, sachant que męme le plus petit de ses jets joue dans une catégorie qui ne correspond pas vraiment ŕ l’esprit d’Eur-Avia.
Wijet, nouveau venu dans l’aviation d’affaires. C’est une toute nouvelle société de taxi aérien qui s’estime capable Ťde mettre le ręve ŕ portée du plus grand nombreť. En clair, des biréacteurs Cessna Citation/Mustang commercialisés sur base d’une grille tarifaire simplissime, 2.200 euros de l’heure, tout compris. Deux avions tournent, le troisičme sera livré en novembre, une flotte de 10 ŕ 15 appareils est envisagée dans les 5 ans, explique le jeune créateur-PDG, Corentin Denoeud. Les ambitions de Wijet sont grandes comme en témoigne l’intention de baser le quatričme avion ŕ Bruxelles oů réside une clientčle potentielle de haut niveau. Le credo est intéressant : la crise a transformé le luxe, il n’est plus question de bling-bling et les investisseurs qui ont cru au projet sont ou seront eux-męmes clients. Lŕ, on n’est évidemment plus trčs loin de la propriété partagée mais, visiblement, ce n’est pas un but en soi.
Daher-Socata, ensuite. Le constructeur de Tarbes semble ŕ l’aise dans son nouveau costume, loin du groupe EADS. Mieux, il est venu ŕ Cannes avec une sacrée surprise, une proposition de rénovation avionique du TB 20 Trinidad utilisant la Ťsuiteť Garmin G500. Ce qui revient ŕ donner un sérieux coup de jeune ŕ un avion qui continue de faire le bonheur de trčs nombreux pilotes privés et aéro-clubs. L’essentiel, pourtant, est ailleurs : cette proposition signifie que Daher-Socata prend toujours en considération les Ťpetits avionsť. Cela sans donner pour autant de faux espoirs ŕ ceux qui chercheraient ŕ lire entre les lignes. Il n’est pas question de relancer la production d’un appareil de cette catégorie, les coűts industriels étant tout simplement prohibitifs. Hélas ! A l’autre bout de la gamme, le monoturbopropulseur TBM 850 a traversé la récession sans dégâts excessifs. Trente-six exemplaires en ont été produits l’année derničre et les ventes conclues récemment incitent ŕ un minimum d’optimisme.
Et la suite ? Verra-t-on apparaître un biturboprop, voire un biréacteur léger Made in Tarbes ? On devine que la réponse de principe est affirmative, sachant que l’idée bénéficie de l’intéręt de la nouvelle maison-mčre, que des avant-projets sont ŕ l’étude, que Daher cherche un partenaire.
Autre opération ŕ suivre de prčs, Lisa Airplanes. Son petit amphibie en composites, l’Akoya, original, trčs haut de gamme dans la lettre et l’esprit, proposé ŕ 300.000 euros, bénéficie maintenant d’une bonne cinquantaine de réservations payantes. Elles viennent pour un tiers environ du monde du nautisme, Lisa étant tout autant dans son élément au Monaco Yacht Show qu’ŕ Eur-Avia. Les premičres livraisons d’Akoya sont prévues pour mars prochain et, au Bourget-du-Lac, oů est implantée la jeune pousse, on envisage d’ores et déjŕ une cadence de production qui se situera entre 50 et 100 exemplaires par an. Des projets novateurs sont évoqués, ŕ commencer par un dérivé ŕ 5 ou 6 places et, plus audacieux, un appareil ŕ propulsion électrique.
D’autres points de repčre ont attiré l’attention ŕ Cannes. Comme toujours, certains ULM ont surpris parce qu’ils ont tout des grands. Le Phantom de Corvus Aircraft, un exemple parmi d’autres, affiche l’élégance d’un avion de voyage qui aurait été dessiné par Stelio Frati (1). Un Piaggio P188 Avanti, dans une belle livrée noir et gris, rappelait la longévité de cet appareil génois, italien jusqu’au bout des moustaches. Et qui aura peut-ętre un successeur dans un avenir relativement proche.
De nombreux autres appareils brillaient sous un soleil de plomb, comme l’indémodable Mooney, d’autres classiques américains, un Embraer Phantom, etc. Une belle vitrine, loin de la crise.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(1) Le célčbre et talentueux concepteur milanais vient de s’éteindre ŕ 91 ans.