Que vous dire ?
Que c’est bien possible. Après tout ! Seulement voilà, je ne connaissais pas cet homme-là : Franck Lepage (photo). Je l’ai découvert, il y a quoi ? Une semaine, tout au plus, via Bénédicte Desforges. Une vidéo. Un passage. Et j’ai eu envie d’en savoir plus. Et, autant vous le dire, je n’ai pas été déçu. Je dois même vous avouer que depuis Loïc Wacquant (et Noam Chomsky) je n’avais entendu discours aussi brillant.
Or donc, Franck Lepage. Dont vous trouverez un CV pour le moins sommaire à cette adresse. Franck Lepage, disais-je, de 2006 à 2009, s’est produit sur scène. Mais, ce n’est pas un spectacle, un one-man-show, ou du théâtre. Non. Du tout. C’est un travail. Une pensée. Un constat. L’essentiel de ce travail, du moins celui auquel, je veux, ici, faire référence, est dans son intégralité, si vous le souhaitez, et comme je vous le recommande, disponible sur Internet. Il est là.
Lors de ce travail, Franck Lepage nous parle de culture, d’Education nationale, de capitalisme, de fascisme, de salariat (de Shoah, même), et des mots qu’on “nous a volés”. Les mots, comme vous le savez, sont importants. Ils ne sont pas, jamais innocents. Nous sommes, depuis bien longtemps, et dans une contraction, et dans une falsification des mots. Et, comme de bien entendu, les médias, entre autres, sont, qu’ils le nient ou pas - peu importe, puisque c’est une réalité - le relais de cette contraction, de cette falsification, de ce vol. Ce que nous pourrions nommer l'Orwellisation de la société. Elle est marche, et depuis belle lurette.
Dans la vidéo que je vous propose, extrait du travail remarquable de Franck Lepage, tout commence par un plan de tomates. Et l’on se dit, mais c’est quoi, ça ? Où va-t-on ? Non mais, franchement .. Et puis, très vite, on comprend, on saisit, et ça s’emballe, et ça ne s’arrête plus. D’aucuns parleront de performance, de démonstration. A ceux-là, je leur dis, non, ni performance, ni démonstration. Certes, et tant mieux, ce que nous dit Franck Lepage, est tout à fait discutable. En tous les cas, il amène à une réflexion, et, si on daigne prendre le temps, à des commentaires. Pourvu, qu’ils soient éclairés, avisés, argumentés. C’est le moindre qu’on puisse attendre à la lecture de ce travail-là.
Je disais donc, tout commence avec un plan de tomates, et hop, voilà que surgissent Sarkozy, la culture, la gauche, le fascisme, le système, le capitalisme, la Shoah, Malraux, le gaullisme, le communisme, etc.
En précisant, et c’est important, que bien souvent, vous l'avez noté, l'on évoque le clivage droite-gauche ; ou plus précisément, certains, en s’exprimant, dans les médias essentiellement, prétendent le dépasser, ce clivage. En réalité, c’est complètement faux. Ils sont, et restent, partisans. Or ici, et c’est là – j’allais dire : le miracle !- oui, c’est là le miracle – allez, je l’ai dit – Franck Lepage, lui, dépasse totalement le clivage droite-gauche. Il est ailleurs. Il est avec nous. Encore, faut-il accepter de l’entendre.
Avant de vous laisser tranquillement, observer, écouter, penser cette vidéo (et les deux suivantes, en liens ci-après) et dans le seul souci d’aiguiser votre appétit, voici quelques extraits choisis :
”Il faut désormais que chaque individu ait la liberté de se faire exploiter où il veut, quand il le veut (…) Très vite (…) ce système fabrique des inégalités qu’il faut rendre légitime, acceptable, et donc, c’est l’école qui sert à ça (…) L’école est le système qui vous fait croire que votre place dans la hiérarchie sociale est le résultat de votre mérite scolaire ou de votre bonne volonté culturelle (…) L’école reproduit les inégalités (…) Vous avez 1% en 1945 de fils d’ouvriers à l’université. Vous avez 1% de fils d’ouvriers, en 2005, à l’université (…) Le théorème de l’excès de culture ( …) c’est d’expliquer que, contrairement à ce qu’il se raconte partout, les gens ne manquent pas de culture, ils ont trop de culture par rapport à ce que le système leur autorise d’exploiter (…) La seule vraie crise, c’est la crise salariale.”
Franck Lepage - “Incultures”
Je vous laisse en liens, comme précisé en amont, la suite de ce travail :
1 - “Vous n’aurez bientôt plus les mots pour penser négativement le capitalisme”
2 - “Le capitalisme est une saloperie”.
Ce qui m’amène à cet ajout, tiré de ces deux vidéos linkées. Que je soumets, là encore, à votre réflexion :
”Le management est la doctrine de l’exploitation. Quel était le mot le plus employé dans les ouvrages de management dans les années 60 ? Le mot : Hiérarchie. Quel est le mot le plus employé dans ces ouvrages de management à partir des années 90 ? .. Non .. Le mot “Hiérarchie” n’existe plus. Zéro citation. Non, le mot le plus utilisé, désormais, c’est : Projet ! Projet est LE mot de la doctrine capitaliste. On ne peut rien faire contre ça ! Vous pouvez combattre la hiérarchie, mais, si elle s’appelle : Projet ; vous n’allez quand même pas emmerder des ouvriers qui se réalisent comme créateurs dans le cadre d’un projet (…) Vous êtes persuadés que TOUT LE MONDE doit avoir des projets. Votre banque vous demande quels sont vos projets. Vous devez avoir un projet de vie parce que vivre ne suffit plus, manifestement. Et donc, cette saloperie de mot transforme tout ce qui bouge en marchandise sans que nous nous en rendions compte. Projet veut dire : produit (…) Le capitalisme est une saloperie (…) Il nous fait le défendre quand nous croyons l’attaquer et il utilise pour cela l’artifice d’un langage de pacotille, un langage de verroterie, de camelote, qui nous fait le désirer (…) Nous ne faisons que reproduire des rapports de domination en croyant faire le contraire (…) Mesdames et messieurs, on nous a volés des mots ! Nous allons droit dans le mur avec la plus grande générosité” [Franck Lepage]