L'opéra en plein air est un de ces rendez-vous attendus qui coïncident avec le retour de l'été. Le thermomètre était bas pour la "générale" qui a eu lieu ce soir mais la température annoncée pour les trois vraies premières représentations est au beau fixe.
Il y avait foule sur les gradins installés face au château du Parc de Sceaux, dans la même disposition que celle qui avait été adoptée pour Rigoletto l'an dernier.
Les producteurs ont l'habitude de solliciter des grands noms pour assurer la mise en scène. Après Julie Depardieu ou Francis Perrin, c'est Patrick Poivre d'Arvor qui relève le défi.L'homme avait depuis longtemps envie de se lancer dans la mise en scène mais ses obligations professionnelles ne lui avaient pas donné plus tôt la liberté de le faire. En janvier dernier il avait pu donner son accord alors même que le sujet était déjà choisi. Qu'importe, celui-ci lui convenait parfaitement.
Créé le 3 mars 1875 à l'Opéra-Comique de Paris, cet opéra est le plus joué au monde, ce qui est un avantage car les airs principaux sont très connus. Bien entendu c'est un challenge de faire une mise en scène nouvelle. Pour cela Patrick dit avoir du effacer de sa mémoire tout ce qu'il a vu auparavant, au cinéma, au théâtre et à l'opéra.
Bien lui en a pris car c'est une vraie réussite qu'il partage d'ailleurs avec Manon Savary. Celle ci avait fait ses premiers pas sur scène avec Jérôme, son père, mais elle a aussi travaillé avec Alfredo Arias et collaboré à une mise en scène d'opéra avec Henri-Jean Servat. Son expérience et ses compétences ont été très précieuses pour Patrick Poivre d'Arvor qui a le même point de vue qu'elle sur l'œuvre de Bizet.
Connaissant très bien l'œuvre de Mérimée son regard de journaliste lui a permis d'imaginer Carmen en femme rebelle, chef de sa petite bande de bohémiens qui défend la liberté comme principe de vie inébranlable, dans sa tête comme dans son corps, au cœur d’une Espagne corsetée. Carmen n’est d’ailleurs pas une figure du passé. Elle assume pleinement son statut social de bohémienne et ses choix de vie. Patrick Poivre d'Arvor et Manon Savary lui donnent un rôle presque politique que des éléments de décor soulignent comme ces drapeaux qui dansent comme des oriflammes et dont les ombres se découpent sur les arbres du parc.
Il est permis d'attendre, il est doux d'espérer.
Malgré ce moment de rêverie le spectacle est une vraie cavalcade, trépidante, qui va vers la mort avec le fatum qui nargue en permanence nos héros. Cela se termine par la mort du taureau puisque la pièce se clôture sur une corrida. Mais aussi par celle de Carmen.
Le public a été littéralement séduit. Il faut dire que la mise en scène était assez enlevée. Les entrées et les sorties étaient dynamiques sans utiliser les habituels artifices qui m'exaspèrent à l'opéra : rien de plus stupide que les trappes et autres ascenseurs ... Ici tout était simple mais efficace, beau et élégant. La suggestion de la corrida du dernier acte nous transporte magiquement dans les arènes de Séville.
L'orchestre était admirablement dirigé, en douceur. Les chanteurs étaient tous excellents en ce soir de répétition générale, y compris un certain jeune homme de quinze ans, discret dans l'abondant chœur d'enfants ... qui n'est autre que François Poivre d'Arvor. Son papa pouvait être fière de lui. Rien d'étonnant à ce que sa maman Claire Chazal (tellement plus en beauté au naturel que pour le Journal du 20 heures !) se soit déplacée pour l'applaudir.
On peut gager qu'après ce succès l'ex-journaliste aura envie de récidiver. Il se murmure qu'un projet de fiction est déjà dans ses intentions pour 2011. Voilà de quoi le ramener sur les plateaux de télévision.
Créé en 2001, Opéra en plein air a pour vocation de drainer un public peu habitué à fréquenter les salles d’opéra. Les représentations débuteront cette année au Parc départemental de Sceaux les 3, 4 et 5 juin 2010 à 21 heures 30. La troupe se déplacera ensuite au Château de Chambord, les 11 et 12 juin 2010
Au Château du Champ de Bataille, les 18 et 19 juin 2010
Au Château de Vincennes, les 25, 26 et 27 juin 2010
A la Cité de Carcassonne, le 3 juillet 2010
Au Château d'Haroué, les 3 et 4 septembre 2010
Dans la cour d'honneur de l'hôtel national des Invalides, du 7 au 14 septembre 2010
Au Mont-Saint-Michel, les 17 et 18 septembre 2010
Au Château de Fontainebleau, les 23, 24 et 25 septembre 2010