Nouvel essai du cinéma de genre à la française, sorti sur les écrans en 2009, Vertige se place dans le haut du panier, parvenant à faire naître une tension et un suspense ininterrompu de la première à la dernière image. En effet, Abel Ferry, auteur de plusieurs courts-métrages, offre avec son premier long un modèle d'efficacité, de concision et de maîtrise formelle.
Suivant un groupe de jeunes randonneurs s'élançant sur une via ferrata croate, le métrage débute comme un film d'aventures, avec des plans véritablement vertigineux (voir notamment les scènes le long des parois, d'une immersion totale, et la séquence du pont, incroyable morceau de bravoure et modèle de tension), et parvient en très peu de temps à dresser une caractérisation précise des personnages, laissant apparaître les conflits et les passifs qui sous-tendent leurs relations. Et dès que le groupe s'élance sur les parois rocheuses, c'est à une lutte ininterrompue qu'ils devront se livrer, non seulement contre les éléments et contre eux-mêmes, mais aussi contre un ermite dégénéré, véritable redneck des Balkans, qui les traquera sans relâche.
Les deux parties du film (aventures et survival), s'imbriquent parfaitement l'une dans l'autre, maintenant ainsi une totale cohésion narrative. Par ailleurs, la grande réussite de Vertige tient avant tout dans sa capacité à écraser petit à petit ses personnages sous le poids d'évènements dramatiques, ces derniers se succédant les uns aux autres avec la précision d'un métronome, chacun d'entre eux révélant la personnalité (le courage, la haine, la lâcheté, les traumas) des protagonistes. Impossible de reprendre son souffle tant le rythme de l'ensemble est soutenu et ne souffre aucun temps mort, jusqu'à une fin très noire.
Et lorsque les personnages commencent à se faire courser par un mystérieux prédateur, la brutalité physique avec laquelle opère ce dernier (voir pour cela les combats à mains nues, très réussis), est traitée avec une frontalité bienvenue, décuplant l'empathie envers les victimes. L'une d'elles s'en prendra directement à son bourreau, libérée de toute peur, sa rage et sa haine l'emportant sur le reste, séquence soulignant ainsi la régression animale qui s'est opérée en elle. La force de ce combat final est totalement inattendu (l'identité sexuelle de la victime n'y étant pas étrangère), et possède une puissance galvanisante assez rare pour être soulignée.
Soulignons le jeu des acteurs, d'une extrême justesse, chacun parvenant à retranscrire les nombreuses zones d'ombres les caractérisant (les plus pourris d'entre eux n'étant pas forcément ceux que l'on croit…), et la musique toute en emphase symphonique de Jean-Pierre Taïeb, d'une extrême beauté.
Et malgré une ou deux incohérences et une utilisation parfois un peu trop ostentatoire de la shaky cam, Vertige constitue une vraie réussite, un concentré de suspense et de tension de 90 minutes, une preuve supplémentaire que le cinéma de genre français peut nous offrir des œoeuvres frontales, immersives, surpenantes et d'une totale tenue formelle et scénaristique.