Courchevel 1850, Savoie, le 8 déc. 07
A l'invitation de l'excellente Anne-Sophie, j'ai pu assister aux Ateliers de la Terre, ce samedi à Courchevel. Une journée, la deuxième de ce forum pour le développement durable, consacrée à des sujets aussi cruciaux que :
- le rôle des technologies de l'information dans la sensibilisation à ces enjeux. Les blogs ont été bien sûr évoqués ici. Quelques intervenants ont témoigné leur méfiance quant à la justesse des éléments diffusés sur les blogs, les blogueurs n'étant pas tous des journalistes professsionnels. C'est à mon avis méconnaître le fonctionnement des blogs que de craindre cela (et dans une moindre mesure méconnaître la presse officielle aussi...). Des propos erronés ne passent pas longtemps inaperçus sur les tabloïds virtuels, compte tenu de l'interaction avec les lecteurs. Reste à voir 1) comment les blogs sur l'écologie et la nature peuvent rayonner au-delà du pré carré des convaincus, 2) comment les blogs dits politiques peuvent jouer ce rôle, en introduisant la réflexion environnementaliste dans les débats qu'ils proposent.
- l'appropriation de l'écologie par les acteurs économiques. Où il fut question de greenwashing, pratique qui consiste à utiliser le développement durable comme d'un simple argument marketing. Dans quelle mesure le journaliste peut-il distinguer cette pratique de la véritable implication environnementale d'une entreprise : doit-on, à ces fins, ouvrir des filières "développement durable" dans les écoles de journalisme? Et comment, en amont, imbriquer l'enseignement de la gestion des entreprises dans la problématique écologique? (J'ai noté à ce sujet la création en cours d'un Institut du développement durable à HEC). "Le développement durable doit être intégré dans toutes les disciplines, et ne doit pas être une chapelle" (Alain Bougrain-Dubourg, Bruno Rebelle et Louis Bériot, de concert).
- l'évolution de l'acte de consommation vers un acte politique. Ce sujet m'a moins passionné. On ne peut pas avoir une consommation durable de masse si l'offre n'est pas structurée en face. Et les effets de mode ont raison de toute pertinence : les écrans plasma consomment quatre fois plus d'énergie que les vieux postes à tube et la seule lessive réellement bio, la noix du Brésil, s'avérant paraît-il inefficace (nous allons encore donner du boulot aux stations d'épuration...).
- la photographie naturaliste en tant qu'outil de sensibilisation. Olivier Grünwald, spécialiste de l'Afrique et des volcans, et Cyril Ruoso, fraîchement revenu de Bornéo ("dans 10 ans, c'est mort") ont livré leur expérience. Apparemment, il y a un gap culturel et sensoriel important entre la France et les pays anglo-saxons. Nous considérons la photographie animale et en particulier celle des oiseaux comme "puérile", "pas vendeuse", alors qu'elle est très appréciée outre-atlantique. Malgré les efforts des photographes pour faire apparaître les animaux tels que des témoins des relations dégradées de l'homme à sa terre nourricière, les directeurs de publication et les lecteurs français ont du mal à se laisser séduire (les statistiques de ce blog me l'avaient déjà laissé craindre...). Un malaise est survenu durant cette discussion : un artiste chinois, qui a réussi à photographier un panda en pleine errance, ne maîtrisait visiblement pas son sujet, parlant notamment de cet ours végétarien comme d'un animal sanguinaire. Un doute s'est installé quant aux conditions de prise de vue de l'animal...
Sur la forme, de nombreux témoignages ont permis de fluidifier des sujets pas toujours simples à traiter. Et les interventions dans la salle ont généralement bien fait rebondir les arguments. Et c'est une intervention vibrante de Jérôme Bindé, directeur de l'Office de la Prospective, à l'UNESCO, qui a conclu ce 2e Forum. Selon lui, le salut de la planète passe par une dématérialisation de la croissance (et non pas par la décroissance, facteur d'aggravation des inégalités sociales) et une orientation de la production de richesses vers le savoir notamment : "remplaçons les atomes par les kilobits!". La rupture qui s'impose doit se détacher à la fois de l'ultra-libéralisme et de Marx, qui ont en commun d'offrir à l'Homme une position dominante sur Terre. Bindé a aussi donné un chiffre qui fait réfléchir (et éclaire d'un bref espoir) : les sites de la planète les plus riches en espèces animales et végétales représentent à peine 2,5 % des terres émergées. A eux seuls, ils détiennent 42 % des Vertébrés (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens et poissons). La mise en protection définitive de ces terres ne coûterait que 50 milliards de dollars, soit 0,3 % du PIB des Etats-Unis...