Avant de poursuivre, on peut préciser que la carrière de
Kawamori ne touche pas qu’à l’industrie du manga et de l’animation mais aussi, parfois, à l’industrie tout court. Il faut dire qu’avec un cursus d’étudiant en aéronautique dans ses jeunes années, il a de quoi comprendre les exigences de domaines assez pointus. Voilà comment il put designer un
Aibo pour
Sony. Par exemple.
Mais l’ensemble de son travail reste quand même dans le domaine de l’anime – beaucoup plus que celui du manga. Né en 1960, il y fit ses débuts dès 1978 en rejoignant l’équipe de
Studio Nue, et bien sûr, il commença par y dessiner des
mechas, notamment pour
Tôshô Daimos même s’il participa aussi à la seconde série de
Space Cruiser Yamato,
The Comet Empire.
Il travailla aussi sur
Ulysse 31 d’ailleurs, pour lequel il dessina la plupart des machines, robots et vaisseaux que vous avez pu y voir. Il eut aussi l’occasion de travailler sur nombre de
Transformers, dont le célèbre
Grand Convoy mieux connu chez nous sous le nom d’
Optimus Prime. Il est toutefois regrettable que son travail sur ces productions n’apparaissent pas dans cet
artbook…
Mais c’est surtout avec
Macross que
Kawamori obtint la gloire, à seulement 22 ans – même si on oublie souvent qu’il ne fut pas seul sur ce projet. Ses travaux de design pour
Macross comprennent le fameux chasseur aérien
Valkyrie qui reste souvent considéré comme le premier
mecha transformable de manière réaliste – c’est-à-dire sans pseudo-morphing comme c’était le cas jusque-là
(1).
Dès lors, la machine était lancé et
Kawamori fut associé à de nombreuses productions dont certaines comptent encore comme les plus prestigieuses. Les films de
Patlabor par exemple : ses travaux pour ces réalisations prennent ici une demi-douzaine de pages – on aurait aimé en voir plus, et surtout plus détaillé quand on sait le focus que fait cette franchise sur le réalisme.
Il eut aussi l’opportunité de travailler sur la franchise
Gundam – dont il est un fan affirmé depuis toujours – en dessinant les
mobile suits éponymes de
Mobile Suit Gundam 0083: Stardust Memory., une
OVA de 13 épisodes. Là encore, on peut déplorer que ses travaux présentés dans cet ouvrage occultent une partie non négligeable des détails dont sont pourtant friands les mechaphiles…
Mais
Kawamori n’a pas dessiné que des
mechas – du moins au sens strict du terme – car, comme beaucoup de designers, il aime bien les voitures et son travail considérable sur la franchise
Future GPX Cyber Formula occupe ici de très nombreuses pages. C’est l’occasion de voir une facette assez peu connue d’un artiste qui a bien plus d’un tour dans son sac.
Il aime aussi les vaisseaux spatiaux d’ailleurs, comme il l’a démontré à maintes reprises, et bien avant
Macross déjà. À ce sujet, vous trouverez ici de nombreuses reproductions de ses travaux sur des productions aussi diverses que
Tosho Daimos ou
Crusher Joe ou encore
Outlaw Star. Et en dehors de l’industrie de l’anime, sur des lignes de jouets telle que la série des
Exo Forces de
Lego.
Le secteur du jeu vidéo a aussi utilisé son travail, notamment la série des
Armored Core – sujet d’
un billet précédent – qui montre une assez nette évolution de son style : les reproductions de ses dessins sont ici très abondantes, ce qui ravira les fans de la franchise. Hélas, on ne trouve rien de son travail sur d’autres titres du jeu vidéo, tels qu’
Omega Boost ou
Tech Romancer.
Occupe aussi de très nombreuses pages ses croquis et ses développements pour
Eureka Seven, projet qui l’a visiblement passionné de sorte que c’est là une belle occasion d’examiner de près sa méthode de travail : on y voit notamment comme les esquisses sont d’abord jetées de façon très spontanée avant d’être peu à peu affinées à travers une suite de dessins successifs.
Mais ce sont bien ses productions pour la série
Aquarion qui abondent le plus : à l’époque son œuvre personnelle la plus aboutie, produite et animée par le studio
Satelight qu’il dirige, on s’attendait bien à ce qu’elle soit ici vedette. S’y trouve d’ailleurs confirmé que les
mecha designers professionnels aussi recourent aux
Lego pour échafauder leurs créations, ce qui du reste n’est pas surprenant…
Si les fans de Macross regretteront certainement qu’il ne soit pas fait plus honneur à cette œuvre-phare de Kawamori, ils trouveront néanmoins de quoi largement se consoler en parcourant le reste de cet ouvrage pour le moins conséquent. Quant aux autres, qui connaissent mal – ou pas du tout – le travail de cet artiste, ils auront l’occasion d’examiner les diverses facettes d’un créateur de premier plan de l’industrie de l’animation japonaise – ce qui pourrait les amener à se pencher de plus près sur les nombreuses œuvres qui les mettent en scène…
(1) on peut préciser qu’un an avant Macross, Space Runaway Ideon montrait déjà des véhicules qui changeaient de forme pour s’assembler en un gigantesque mecha : même sans tenir compte de leur transformation assez simple, on peut leur objecter le statut de premier mecha transformable de façon réaliste parce qu’ils étaient en fait des « combiners » – des mechas qui prennent forme par la combinaison de plusieurs unités distinctes, d’où leur nom. ↩
Notes :
Cet artbook est le troisième exclusivement consacré au travail de Kawamori, après Kawamori Shoji Macross Design Works (novembre 2001) et Kawamori Shoji Cyberformula Design Works (août 2000), tous deux édités chez Movic.
D’autres travaux de Kawamori peuvent être examinés dans la galerie de son site officiel hébergé chez Satelight – page bilingue japonais/anglais.
Kawamori Shoji Design Works
MdN Corporation, mars 2006
207 pages, 3,500 ¥ (env. 30 €), ISBN : 4-8443-5843-X