La très dorée retraite des parlementaires

Publié le 06 juin 2010 par Kamizole

Il n’est pas inintéressant de s’intéresser aux régimes de retraite des parlementaires – pointé le 28 mai 2010 par le Nouvel Observateur Le jackpot de la retraite des parlementaires au moment même où l’UM/Posture s’acharne sur les retraites du vulgum pecus et où de surcroît Eric Woerth ne craint pas l’infamie en voulant soumettre à une sorte d’inquisition médicale le sort des travailleurs qui auront commencé leur carrière avant l’âge de 17 ans et/ou subi des emplois pénibles, des fois qu’ils n’auraient pas encore un pied dans la tombe : Pour la retraite anticipée, un salarié devra prouver qu’il est «usé»… lis-je dans avec la colère que vous pouvez imaginer dans Libération du 3 juin 2010.

Vous y apprendrez, entre autres détails que s’agissant de la retraite des députés – dont les droits sont ouverts à partir seulement de 5 ans de mandat : ils toucheront alors 1550 euros par mois soit l’équivalent de ce que gagne un salarié qui aura cotisé 40 ans… Et ce n’est encore là que le minimum du minimum…

En règle générale leur carrière est souvent plus longue – cumulée avec celle d’élu local : maire, conseiller général ou régional et tutti quanti. Avec autant de retraites à la clef, sans oublier le cas de figure d’une éventuelle retraite de ministre qui ne les laissera nullement sur la paille.

Les députés, comme les sénateurs, ont la possibilité de cotiser double pendant quinze ans. Les députés peuvent cotiser 1,5 fois les cinq années suivantes, tandis que les sénateurs peuvent acquérir “par demi-cotisations deux annuités et demie au cours des cinq années suivantes”, selon le site du Sénat. Globalement, la pension moyenne pour un député est de 2.700 euros nets par mois, celle d’un sénateur de 4.442 euros nets.

C’est déjà nettement plus que ce que perçoivent les retraités “ordinaires” que Sarko, Fillon, Woerth & Consorts de l’UMP s’acharnent à plumer davantage, lesquels perçoivent pour tout potage de 900 à 1500 euros en moyenne, sans oublier les heureux bénéficiaires du “minimum vieillesse” qui ne doivent guère percevoir plus de 700 euros, et encore après une revalorisation…

Mais attachez-vos ceinture ! L’Etat se montre incomparablement plus généreux avec les députés puisque selon Marie-Laure Dufrêche, déléguée générale de Sauvegarde retraites “Le régime des députés coûte aux Français la bagatelle de 52 millions d’euros par an sur les 60 millions de prestations versées” et que “Le rendement de leur régime est imbattable: pour un euro versé, un député en touchera 6 au moment de la retraite, contre 1 à 1,5 pour un Français lambda”.

La raison en est fort simple : leur déjà généreux régime de retraite – fort “spécial” ! – ne «serait alimenté par les cotisations qu’à hauteur de 12%, tandis que 88% proviennent d’une subvention de l’Etat… votée par les parlementaires eux-mêmes» !

«L’on est jamais mieux servi que par soi-même» dit à bon droit la sagesse populaire… Mais avouez que cela a quand même de quoi trouer le cul quand le gouvernement et les parlementaires de l’UM/Posture s’apprêtent précisément à dévaster les retraites des Français lambda. Lesquels ont cotisé plein pot – de même que leurs employeurs s’ils n’ont pas bénéficié d’exonérations jamais compensées par l’Etat, au demeurant – sans que l’Etat ne mette la moindre subvention au pot.

Qu’il me soit toutefois permis d’être juste dans mes critiques : ce système de subvention ne date certainement pas d’aujourd’hui ni même des majorités RPR d’hier ou UMP d’aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Les élus de la République – qui votent les lois applicables à tous – ont su - toutes tendances confondues et de tout temps - les aménager en vue de leurs intérêts. A preuve, il aura fallu attendre 1993 pour – qu’enfin ! – les parlementaires soient assujettis à l’impôt sur le revenu pour leur salaire de député ou sénateur : ceux qui votaient l’impôt sur le revenu - applicable à tous - s’en étaient exonérés.

Contrairement à nous, les politicards sont hautement avantagés par une “carrière longue” mais… nullement pénible.

Imaginez un énarque – souvent diplômé de Sciences Po - fraîchement émoulu et sorti à un très bon rang – dans la “botte” : les quinze premiers - sinon major de sa promotion. Il opte pour un des grands corps, inspection des finances, Conseil d’Etat, etc… Il y passe peu de temps, trois à quatre années, car il est remarqué par une personnalité politique voire un ministre – selon son option politique et la majorité du moment – qui l’appelle dans son cabinet. Le voilà déjà un pied dans le sérail.

Avec un peu de chance son mentor et le parti politique de celui-ci l’enverra briguer un mandat électif. Député puisqu’il est trop jeune pour être sénateur – 35 ans révolus. Comme on lui aura choisi une circonscription sur mesure et qu’il n’est pas dénué de talent, il est élu. Il commence donc sa – longue - carrière politique et parlementaire entre 25 et 30 ans. Certains optent pour le Sénat en cours de carrière. D’autres, plus chanceux seront ministres – éphémères ou durables - à un moment ou un autre, selon la majorité au pouvoir. Leur retraite n’en sera que plus copieuse ! Surtout si dans le même temps, ils sont maire d’une ville importante, président de Conseil général ou régional : à chaque fois, une retraite à la clef !

Le plus surprenant étant qu’ils auront toujours droit – de surcroît - à la retraite afférente à leur “corps” d’origine, Inspection des finances ou Conseil d’Etat et qu’ils pourront faire valoir leurs droits à la retraite – avancement compris – comme s’ils avaient effectivement travaillé : il leur suffit en effet de continuer à cotiser “en tant qu’élu détaché de leur corps d’origine”

Je n’invente rien. Ce fut le cas d’Alain Juppé en 2003 – au moment précisément de la loi Fillon sur les retraites ! – qui fit valoir à 57 ans ½ ses droits à la retraite d’inspecteur des finances, après… 38 ans et 3 mois. Il avait au demeurant été devancé par Laurent Fabius qui à 55 ans fit valoir en 2001 ses droits à la retraite de conseiller d’Etat. Théoriquement, le droit à la retraite des hauts fonctionnaires n’est ouvert qu’à partir de 60 ans mais il existe précisément une dérogation pour les élus en cours de mandat, qui ramène la barre à 50 ans !

Les choses sont bien faites, n’est-il pas ? Encore une fois, j’imagine que cette fort opportune dérogation a été votée par les parlementaires qui ont décidément l’art de savoir se très bien servir… Quand ils votent des restrictions substantielles en matière de retraites, ils se gardent bien de les appliquer à eux-mêmes.

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