Le ministre du Travail m’a suffisamment indignée par son cynisme au sujet des carrières longues et pénibles - Pour la retraite anticipée, un salarié devra prouver qu’il est «usé» selon Libération du 3 juin 2010 - pour que je m’intéresse à son propre cas : quelle connaissance réelle a-t-il du monde du travail et d’où parle-t-il pour oser dire – et même penser ! - toute honte bue : «Quand vous avez eu des difficultés dans votre boulot, que vous êtes abîmés physiquement, usés physiquement, et qu’on peut le prouver évidemment, alors il faut en tenir compte aussi», indiquant envisager «une logique d’individuali-sation» car la pénibilité «peut avoir des effets différents sur différentes personnes» et qu’il faut «en vérifier les effets».
Vérifier les effets ?
Mais c’est bien sûr ! Si l’ouvrier qui a commencé à travailler entre 14 ans et 17 ans et s’est coltiné les emplois les plus pénibles, si l’infirmière qui n’en peut plus du travail de nuit ou autres conditions épuisantes, etc. la liste des emplois pénibles étant inépuisables … n’en peuvent plus à 55 ou 60 ans, il faut s’assurer qu’ils n’ont pas encore tout à fait un pied dans la tombe pour être bien certain de les achever avant qu’ils ne bénéficient trop longtemps de leur retraite : c’est que ça coûte !
Pour oser proférer pareille insanité empreinte de la plus profonde mais désarmante désinvolture cynique envers les salariés et qui plus est, avec toute la force de conviction qui sied aux imbéciles – remarquez comment j’arrive à rester polie ! – l’actuel ministre du Travail – après le Budget à Bercy – doit être certainement un expert en matière de carrière longue et pénible. Il ne m’en fallait pas moins pour aller ausculter la fiche d’Eric Woerth sur Wikipedia… Bingo !
A 56 ans, et une vie entière passée dans les chiffres, le ministre du Travail doit être au bord du burning out… Jugez du peu : après d’épuisantes études – HEC et Sciences Po – il a consacré toute sa vie professionnelle à la finance. J’ai eu sacrément envie de rire en lisant qu’en 2002, il avait «renoncé à sa carrière dans le privé pour assumer la direction financière de la campagne présidentielle de Jacques Chirac»… Quelle abnégation !
Tu parles ! c’est juste qu’il n’avait plus de taf ! J’explique : Eric Woerth était un dirigeant du cabinet Arthur Andersen, spécialisé dans l’audit d’entreprises. Or, je ne sais s’il vous en souvient mais j’ai quant à moi une mémoire d’éléphante : Arthur Andersen fut liquidé en 2002 après que son intégrité eût été mise en cause dans le scandale de la faillite d’Enron, géant américain de l’électricité. J’en avais le plus vif souvenir pour en avoir lu à l’époque les croustillants détails dans deux articles du Monde diplomatique. Le premier, de Thomas Franck en février 2002 Enron aux mille et une escroqueries, sous-titré «déréglementation et trafics d’influence» et le second de Serge Halimi en mars 2002, un scandale presque légal.
Le plus marrant dans l’affaire étant sans nul doute le slogan d’Arthur Andersen «Think straight, talk straight» que je traduirais par “Penser droit, dire droit”… Pour la rectitude, prière de repasser !
Certes, Eric Woerth n’était pas directement lié à cette affaire – il y en eut d’ailleurs bien d’autres : Parmalat, géant italien du lait, WorldCom, etc… qui précipitèrent les grqnds cqbinets d’audit dans la tourmente – mais toujours est-il que sa carrière privée s’était arrêtée sans qu’il en fît le sacrifice pour l’amour de la politique ou de Jacques Chirac.
Le grand argentier du RPR puis de l’UMP s’y connaît surtout en matière de gros sous. Il lui fut d’ailleurs reproché naguère d’être à la fois ministre du budget, trésorier de l’UMP et chargé de collecter l’argent des riches donateurs de l’UMP qui ont enflammé l’Assemblée le 12 décembre 2009 selon Le Monde. A la suite de la soirée de gala Au Bristol, où Sarkozy a fait le show pour ses donateurs avais-je lu en son temps sur un blog du Monde – toujours actif – Le veilleur de jour.
Les députés de l’opposition s’inquiétant à bon droit de la confusion des genres : comment le ministre du Budget pourrait ensuite chercher des poux dans la tête – entendre diligenter des contrôles fiscaux et autres enquêtes sur l’évasion fiscale dans les divers et nombreux “paradis fiscaux” de la planète, à l’encontre de si généreux contributeurs aux financement de l’UMP ? Il y faudrait beaucoup de vertu, de sens de l’Etat et de l’intérêt général et de probité sans faille.
Rentré à la maison, Eric Woerth n’en a sûrement pas fini avec les discussions de gros sous… Effectivement, la fiche de Wikipedia m’apprend que Florence Woerth gérerait la fortune de Liliane Bettencourt depuis la fin 2007, au sein d’une société qui porte le joli nom de Clymène. Rien à voir avec une des Océanides non plus qu’avec le poème de Paul Verlaine dans les «Fêtes Galantes». Beaucoup plus terre-à-terre… «Chez ces gens-là, on ne pense pas, on compte» et ils doivent être dotés d’un radar “spécial flouze” autrement efficace que naguère celui des prétendus«avions renifleurs» d’Albin Chalandon quand il présidait Elf … J’imagine leur conversation sur l’oreiller et, plutôt que «as-tu pensé à fermer le gaz ?» : «N’as-tu pas oublié de compter ceci ou cela ?». Positivement charmant !
Notez que je n’envie nullement «la vie rêvée des riches» car Mame Woerth a plutôt du mouron à se faire depuis deux ans, question gestion de la fortune de Liliane Bettencourt avec toutes les sordides affaires de famille qui se sont étalées sur la place publique et les prétoires. Leur linge sale ne se lave plus en famille !
Sa fille lui reprochant d’avoir dilapidé environ 1 milliard d’euros – sur 22 milliards - en faveur de François-Marie Banier, photographe de la jet-set et quelques autres artistes : Querelle financière entre Liliane Bettencourt et sa fille selon le Figaro et ce n’est plus que procès contre l’artiste accusé d’avoir profité d’un «abus de faiblesse», demande de mise sous tutelle de sa mère et d’expertise médicale.
Liliane Bettencourt ripostant en menaçant sa fille d’une action en révocation de donation – elle possède la nue-propriété des actions l’Oréal – pour ingratitude : je ne saurais dire si c’est juridiquement soutenable en l’espèce le principe voulant qu’une fois acceptée par le bénéficiaire, la donation devienne irrévocable, sauf notamment en matière «d’ingratitude» mais l’article 955 du Code civil est particulièrement restrictif sur les motifs d’ingratitude, seuls étant envisagés les cas suivants : attentat à la vie du donateur, sévices, délits et injures graves et refus de l’obligation alimentaire.
Je trouve cette affaire du dernier lamentable. J’ai toujours considéré que les enfants n’avaient aucun droit sur le patrimoine de leurs parents. Ils ne se sont donnés la peine que de naître. Et c’est de surcroît d’un mesquin ! Pensez-donc, «distraire» -dans les deux acceptions du terme, selon l’Express Où est passé l’argent de Liliane Bettencourt ? il paraît que ces artistes «la distraient de l’univers parfois un peu confiné de son hôtel particulier de Neuilly» - 1 milliard d’euros sur 22 milliards. Elle a tellement peur de manquer, Françoise Bettencourt Meyers ?