Cela n’est guère original et je l’ai assez indiqué à travers mon « Pour y voir Clerc », il y a des chansons qui remontent le temps. Surtout si on ne les a pas entendues depuis longtemps (ce qui est rare à notre époque où les ados se mettent à fredonner des vieux tubes affadis par les voix et les cymbales de la star ac !)
Au détour d’une radio, j’ai réentendu cette belle chanson de Cat Steven : « Father and son »... C’était en cours d’anglais, l’année de terminale. Lycée de Bourgoin Jallieu, classe de filles, trois bons copains, Shaghaz, Sir Henry, Erik le Viking (nous autres avions à 17 ans la manie des surnoms !...) A cette époque, je n’avais pas encore « extrait mon anglais » de la salle de classe et je n’en comprenais finalement pas grand-chose.
Je revois le texte anglais écrit à la main et tiré sur feuillet ronéotypé et papier stencyl. Je plaisante avec Shaghaz sur la paume de la main encore bleutée de notre vieux professeur maladroit (celui-ci était l’un des seuls à ne par avoir surnommé !). Nous pouffons de rire, il n’y a que Sir Henry qui sache bien garder son calme et tromper les apparences. « Taisez-vous les gars, cette chanson, elle a du sens ! »
Je fais semblant de m’intéresser. L’air de la chanson finit par m’accrocher, et les mots me deviennent immédiatement clairs... « You’re so young, and I know it is not easy to listen »... “Pas facile d’écouter ». Mais que dit la chanson pour subitement me toucher à ce point ? Cette fois, c’est moi qui fais signe à Shaghaz de se taire. « Tais-toi, t’a pas compris ! » Le texte parle du conflit des générations, il parle de notre avenir, des étapes de la vie (cette grande Inconnue que nous toisons à dix-sept ans), de la possibilité de « s’installer » en ménage à son tour... « Find a girl, settle down, if you want you can marry…”.
Et en même temps, comme ce que chantait Cat Stevens me paraissait loin et pas fait pour moi ! Et je regardais mon vieux prof d’anglais avec toutes ses rides, son alliance, son nœud de cravatte et les photos de ses voyages en Ecosse quand il était jeune (la rituelle projection de diapos de la fin de trimestre...). Ce vieux prof que j’aimais bien au fond mais que je ne pouvais à l’époque m’empêcher de contrarier !
« Look at me I’m old but I’m happy… I was once you are now »
« J’étais jadis ce que tu es aujourd’hui... »
Valse mélancolique du temps !