Commençons tout d'abord par le bled. Alors "Starý Plzenec" signifie tout simplement le "vieux Pilsen", et pour cause, "Starý Plzenec" existait bien avant que n'existe "Plzeň". Et même mieux, avant que n'existe "La Plzeň" que tout amateur de bonne bière connaît, c'est "Starý Plzenec" qui s'appelait "Plzeň". Eh ouais. Tiens, rapidement, je vous pose quelques repères historiques. Après le big bang... terre... bacilles... mammouths... poils... bronze... fer... crucifix... Romains... puis VIII ème siècle.
Un peu d'étymologie maintenant. "Plzeň". Selon ce bougre de "Václav Hájek z Libočan" dont les élucubrations abracadabrantes ont fait le bonheur des naïfs pendant plusieurs siècles, "Plzeň" aurait été appelée ainsi de par le nombre de "plž" (gastéropodes) recensés par un certain "Radouš", fondateur de la ville (cf. "Václav Hájek z Libočan, Kronika česká. Léta 775. Nějaký Radauš, jenž byl syn Hrozislavuov ze vsi Radauše [...] bral se se vší svau rodinu k západu slunce, až přišli k jedné veliké skále. Na tu jest vstúpil Radauš s sedmi pacholky svými a oblíbiv jí sobě, kázal na ní hrad založiti a dal té skále jméno Radyně. A odtud nedaleko dal sobě v jednom podolí při potoku dvuor postaviti. Ale že tu času toho mnoho pilvausůi (neb plžuov) bylo, dáno jemu jméno Plzeň"). Plus probable est l'origine vieux-slave comme le suggère "Josef Dobrovský" (cf. "Institutiones linguae slavicae dialecti veteris") de "plza, plzný, polezný" (profit, abondant, fécond, utile, profitable...).
Sinon la première mention écrite de "Plzeň" remonte loin loin loin, à 976 très exactement, dans les Chroniques de "Thietmar", l'évêque de Merseburg: L3 "Anno vero Dominicae Incarnationis 976 Heinricus, dux Bawariorum, honore et communione privatus, Boemiam fugit. Quem inperator ibidem valido petens exercitu cum duce Bolizlavo manentem, nil ibi prorsus in neutro horum profecit, sed magnam Bawariorum catervam, sibi ad auxilium huc venientem, et juxta Pilisini urbem castra metatam, dolo cujusdam militis Bolizlavi sic perdidit".
La seconde mention est plus cocasse, et remonte à 992. Vous la trouverez dans les "Versus de passione Sancti Adalberti" (cf. "Gelasius Dobner, Monumenta Historica Bohemiae ", p.32, ou les "Fontes rerum Bohemicarum", L1, p.325) où l'on peut lire: C'est en revenant d'Italie, que St Adalbert s'en arriva aux frontières du pays ("Plzeň", "Post iter emensum Plizenem ad menia uentum, Istus terre manet hac nam terminus urbe."). Et soudain, que ne vit-il pas le saint homme? Un marché ("Hic hirrenda uirum percussit uisio sanctum: Nam mox ut uidit mercatum..."). Et ouais, mais c'était dimanche (ressuscitation de Jésus, pas de bol), et dimanche le bon chrétien (comme l'Allemand et l'Alsacien) est censé faignanter devant la téloche, en tout cas pas faire de commerce juteux et mercantile ("Num lux tam santa studiis est his celebranda, in qua surrexit Cristus, mortemque reviuxit?"). Di diou! J'te dis pas le savon qu'il leur mit à tous de sa crosse épiscopale sur leur râble de mécréant, des éclats ont été trouvés lors des fouilles ("Hec dicens omnes perturbat abinde forenses").
Pis il est encore une mention de "Plzeň" l'année suivante, 993, dans les actes pourris (cf. une précédente publie pour les détails des actes pourris) des moines de "Břevnov", où il est écrit: "Boleslaus II, dux Bohemorum, monasterio Brevnovensi [...] In Pl[izne]nsi vero provincia villam Oyppernich (Vejprenice)..." (cf. "Codex diplomaticus et epistolaris regni Bohemiae, L1, p.348"). Mais c'est pas vraiment intéressant puisque ces bougres d'entourloupeurs ne font que de mentionner du patrimoine qu'ils s'attribuent iniquement, alors passons à la suite.
Donc durant la grande période de "Plzeň", alias "Starý Plzenec", il est des évènements à citer qui eurent lieu là, enfin on le croit, parce que certains sont avérés, d'autres supposés. Il y avait donc déjà là, et même tôt, un hôtel de la monnaie à "Plzeň". Alors on le présume, parce qu'on a retrouvé lors des fouilles de la colline Colline, des deniers en argent datant du prince "Jaromír" (entre 1004 et 1034, régent par intermittence) frappés sur la face (les deniers, pas "Jaromír") d'une tête de St Venceslas et du nom "Iaromir" sur le pourtour (pour tromper les voleurs, parce que St Venceslas c'est pas "Jaromír"), et frappés sur la pile de la valeur 10 euros et de "PL[Z]IZEN CIVO" sur le pourtour (cf. mes photos).
En 1109, le prince "Vladislav I" fut appelé par l'empereur Henri V à Ratisbonne afin de régler une affaire de succession d'avec son frangin "Bořivoj II". Ben sur la route, il fit halte à "Plzeň" dans une taverne, afin de changer les mules et grailler un bout. C'est en regardant les infos à la téloche qu'il apprit qu'en son absence de Prague, cette fripouille de "Bořivoj II" avait pris le pouvoir. Il fit alors rapidement demi-tour, et fissa-fissa sur son mulet, se rendit en notre capitale afin de contrer le putsch (cf. "Antiquae Boemiae Usque Ad Exitum Saeculi XII: 1109. Wladislaus dux, qui regis Henrici vocatione debuit in octavis Domini interesse regali synodo Ratisbonae, propter jussum regis accelerans, in civitate Plizen cum ceteris comitibus festis diebus mansit duobus [...]" ou encore
En 1131 l'on mentionne l'archiprêtre de "Plzeň", Hérold, cumulateur de mandats puisqu'également vicaire et chapelain de l'évêque de Bamberg. C'est pas hyper excitant comme nouvelle, sinon que c'est la première mention indirecte d'une administration religieuse indépendante à l'Ouest de la Bohême, et tout particulièrement à "Plzeň" (cf. "Canonici Wissegradensis, Continuatio Cosmae: Anno dominicae incarnationis 1131 [...] qui vocabatur Heroldus, qui vicarius et capellanus Bambergensis epiacopi et archipresbyter Pilznensis [...]"). Bon on passe à la suite...
En 1134, le prince "Soběslav I" et son pote l'empereur "Lothar III" auraient passé un week-end à "Plzeň" afin de peaufiner leur stratégie quant à l'avenir de la PLogne qui perdit tout son gouvernement dans un crash d'avion stupide (mais je n'ai ni la source, ni le nom de l'auberge). Ensuite on mentionne nommément et pour la première fois la rotonde St Pierrépaul (qui n'était alors que Pierrépapaul) dans l'édit de 1266 du roi "Přemysl Otakar II" ("Bohemorum rex Otakarus nomine, qui et Prziemysl", "Codex diplomaticus Bohemiae, i.e. CDB V.1, p. 703–705: [...] ecclesiam sancti Petri in monte castri predicte civitatis [...]") qui met sous tutelle du monastère de "Chotěšov" ("Monasterio Chotiesoviensibus", publie à viendre) 8 églises du bourg nommément citées "CDB V.1, p. 703–705: […] ecclesiam sancti Laurencii apud Pilznam [...] ecclesiam sancte Marie in latere Pilznensis civitatis, ecclesiam sancti Iohannis Baptiste, ecclesiam sancti Wencezlai, ecclesiam sancti Martini in Pilznensi civitate, ecclesiam sancte Crucis, ecclesiam sancti Petri in monte castri predicte civitatis, ecclesiam sancti Blasii extra eandem civitatem […]" afin d'être traites et usufruitées par les moniales prémontrées. Notez que pour le bled que c'est aujourd'hui, 8 églises, c'est balaise quand même.
Pis arriva 1295, le début du déclin de "Plzeň" (la vieille) avec la fondation de "Plzeň" (la neuve) par le roi "Václav II". En cette époque, la route vers la Bavière passait de plus en plus par ailleurs (afin d'éviter les taxes et les embouteillages), et lorsque le sagace "Václav II" mit un oeil sur la carte du pays, il se dit que finalement, ça serait vachement plus avisé de scotcher la ville principale du territoire Ouest au croisement des 4 rivières "Radbuza", "Úhlava", "Úslava" et "Mže" (et qui forment au Nord-est de la ville le fleuve "Berounka").
Et la rotonde alors? Ben justement, j'y viens. Elle date donc (enfin la forme) de la fin du X ème siècle, et faisait partie intégrante du fortin en bois de la période des Prémyslides. Bien que la date d'érection soit inconnue, l'on présume qu'elle se situe sous "Boleslav II" (dit le pieux [en journée], le pieu [une fois au lit], cf. date d'érection :-) lequel mit en chantier pas moins de 20 églises
Moult fouilles eurent lieu tout autour de notre édifice (comme dans), compte tenu de son emplacement dans l'enceinte de l'ancien fortin slave. La première fouille eut lieu en 1860, suivie d'une seconde en 1906-1909. De qu'est-ce qui fut trouvé lors de ces fouilles l'on ne sait rien, parce qu'on n'a plus aucun document d'archive (perdu, noyé, volé?). Pis d'autres fouilles eurent lieu lors des restaurations, à savoir entre 1920 et 1926, puis entre 1972 et 1975, afin qu'en 1993 l'on puisse installer dans la rotonde une micro-expo des copies des artefacts découverts (cf. mes photos).
St Laurent se trouvait en plein dans l'enceinte principale, et servait donc à la noblesse et à son proche entourage. Son importance comme église majeure des églises du site est attestée par son appellation: "CDB V.1, p. 703–705: […] aule nostre regie ecclesiam s. Laurentii apud Pilznam […]". Elle fut désacralisée par les reformes de Joseph (fin XVIII ème siècle), se dégrada lentement et surement, et s'effondra en 1818 (parfois 1815) lorsqu'une bonne bourrasque s'appuya un peu trop fort sur ses murs trop faibles. Une autre version raconte que seul le toit s'effondra, et que les murs, c'est le travail des indigènes qui auraient pillé les pierres pour leurs propres cahutes. Peu importe, aujourd'hui il n'en reste que les fondations (cf. mes photos). L'église de la Ste Croix, c'est plus compliqué. C'est la plus grande des églises, mais elle se trouvait en dehors du fortin. Les experts situent sa construction entre la fin du XI et le début du XII ème siècle. Et vous savez pourquoi? Parce qu'ils ont trouvé devant l'entrée un denier de "Jaromír". Mort de rire comme conclusion. Attends, ça se trouve, l'église date de Mathusalem mais les bougres à l'époque faisaient gaffe à leur pognon et ne le laissaient pas tomber n'importe où. Mieux. Peut être même qu'elle date du mammouth poilu, l'église, parce qu'à l'époque, les mammouths n'avaient pas de pognon. Bref, la dernière mention de la Ste Croix remonte à 1624, pis après plus rien, keud.
Sinon "Starý Plzenec" était donc une ville au moyen-âge. Dans le courant du XVIII ème siècle la ville devint village. En 1845 elle reçut le statut de bourgade (petite ville, ou grand bourg) et en 1902, "Starý Plzenec" devint à nouveau ville. Aujourd'hui rattaché à la ville de "Plzeň-město" (ville nouvelle), "Starý Plzenec" compte 4.800 habitants. Mais, attends (encore), parce que pour un trou...
zu Sedletz bei Pilsen" parce que le noblaillon avait sa résidence là, au castel de "Šťáhlavy") qui approvisionnent non seulement l'empire austro-hongrois, mais également les Balkans, l'empire Ottoman, l'empire Russe et le Moyen-Orient en produits manufacturés. En 1859 naît une succursale à "Plzeň", qui sera vendue en 1869 à "Emil Škoda", fondateur des usines du même nom ("Škoda Holding") qui construisirent entre autre les fameux 305 mm (tourelle à triple canon de 12 pouces) pour les cuirassés de la classe "Tegetthoff" (équivalent de la classe Courbet française), et qui encore aujourd'hui se classent (les usines) parmi les fabricants mondiaux de machines d'usinage-formage. Les usines de "Škoda Plzeň" ne vous diront peut-être rien, mais pendant plus de 100 ans et 2 guerres mondiales, elles étaient le fleuron de l'industrie, la pointe de la technologie, et la crème de la métallurgie européenne.
En 1871, et afin de ne pas rester en reste de la grande soeur "Plzeň" et de son étalon mondial brassicole, "Starý Plzenec" construisit une brasserie "Alt Pilsenetz Bräuhaus", terminée en 1873. Pas de bol, la même année arriva la grande dépression dans l'empire (principalement, mais dans le monde entier itou), et la brasserie fit faillite en 1874, comme ses actionnaires dont le maire (d'alors). L'année suivante le nouvel acquéreur n'eut pas plus de succès, et 5 ans plus tard il fermait la brasserie pareil. Finalement entre 1897 et 1929, la brasserie fut reprise par une brasserie bavaroise ("Kulmbacher Rizzibräu"), et fabriqua une bière apparemment correcte jusqu'en 1928, lorsque la brasserie mit fin à ses activités pour je ne sais quelle raison. En 1942, les caves bien fraîches de la brasserie furent reprises par une coopérative de fabricants de vins blancs, afin de faire du mousseux à la champenoise. Pis arriva le sommet en 1948, avec le franchouillard Louis Girardot natif d'Epernay, qui introduisit la vraie champagnisation à "Starý Plzenec" avec de vraies levures de Champagne, et donna finalement son goût exceptionnel au "Bohemia Sekt" que les Ruskofs s'arrachent aujourd'hui dans les pinces-culs de la République.
Ben voilà, vous savez tout. Malgré que notre rotonde fut reconstruite, malgré que peu d'éléments soient d'origine, et malgré qu'il n'y ait pas trop de choses à voir sans un oeil averti (en vaut deux), la rotonde St Pierrépaul de "Starý Plzenec" reste l'un des plus anciens édifices religieux encore debout sur notre territoire. Vous la trouverez ici: 49°42'12.37"N, 13°28'29.849"E