Pour ce billet, pas de sujet pré-établi, juste quelques réflexions nourries par la philosophie et l’observation personnelle. Le point de départ sera le suivant : qu’est-ce qui fait que l’on consomme autant ? Pourquoi l’homme occidental consomme ?
Nous consommons. Chaque jour, nous achetons : nourriture, vêtements, disques, livres, cafés… La liste est longue, très longue, trop longue. Ne pas fermer les yeux. Chaque chose achetée engendre notre participation à l’épuisement des ressources naturelles (eau ou pétrole par exemple) et à l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère (combustion d’énergie fossile). Nos emplettes ont été fabriquées, ont nécessité des matières premières, ont souvent été transportées, parfois (et même souvent) depuis l’autre côté de la planète. Et la course folle du libéralisme continue. Produire, le moins cher possible, vendre, en faisant la plus grande marge possible, et, à l’autre bout de la chaîne, acheter, consommer. Mais pourquoi consommons-nous ?
Le besoin explique une partie, sûrement la plus faible pour la majeure partie du peuple occidental, de ce que nous achetons. Nourriture, eau : autant de besoins naturels. Les vêtements, également, en version moderne de feuilles de vigne, sont des besoins (culturels dans les climats supportables). Mais ces produits ne sont pas seulement achetés par nécessité. Ils le sont aussi par « futilité ». Dans nos société ou l’avoir compte plus que l’être, les vêtements, leur style, leur prix, sont des conditions d’intégration. On n’a qu’une occasion de faire une bonne première impression. Et l’impression, pour la plupart, commence par le style vestimentaire. Des communauté se forment autour des vêtements. Les cadres en jean’s / chemises pour les plus « cools », sinon en costard / cravate. Les travailleurs sociaux adoptent encore un style différent. Les « djeunes » sont un fabuleux tableau de cette soumission à l’image, à l’apparence et à son rôle dans la sociabilité. Tout ceci est bien sûr à affiner. De même pour la nourriture : regardons nos caddies, regardons l’embonpoint en recrudescence. Sur les traces de l’Amérique du nord, pays de tous les excès.
Et puis nous nous entourons d’objets technologiques : réfrigérateur, machine à laver, robot, téléviseur, lecteur DVD, ordinateur, radio-réveil, pèse-personne électronique, radio… la liste est longue, de plus en plus longue. Pourquoi ? C’est le progrès !
Utopie technologique : les technologies nous apportent le confort. Plus nous avançons dans le progrès technologique, plus nous serons heureux. HD ready, Full HD et maintenant téléviseur laser… de plus en plus heureux devant la télé ! Technologies en progrès = plus grande quantité de bonheur : c’est mathématique ! C’est les publicitaires qui nous le soufflent.
Consommons pour être heureux. Et si le progrès s’accélère, il faut sans cesse consommer pour être à jour : mais notre bonheur est à ce prix. Nous réchauffons la planète ? Pas sûr, et notre confort (notre croyance au confort ?) passe avant tout. Avoir, avoir, avoir.
L’individu, le moi : libéralisation de nos sociétés et des moeurs. L’individu règne en maître. Sur quoi ? Bonne question. Autre question. Qu’est-ce que l’individu ? Qu’est-ce que le moi ? Nous réduisons-nous à ce que nous possédons ? Dans tout ce que nous faisons, nous avons désormais tendance à entrer dans une relation de l’avoir, et non de l’être. Voyager et mitrailler avec l’appareil photo numérique : dévorer ce qui nous entoure, manger littéralement notre environnement. Puis montrer aux autres que nous l’avons manger. Moi, j’ai eu ça. Moi je possède ça ! Autre exemple ? Exposition de la bibliothèque dans les pièces de vie, parfois dans le salon. Exposer sa « culture ». Nous consommons la culture : cinéma, théâtre, littérature. Tout est aspiré dans l’économie de marché, dans le cercle peu vertueux de la vente et de l’achat. L’homme est boulimique. Son moi ne dirige plus rien. Ses pulsions, ses désirs ont pris l’ascendant. Le néo-libéralisme nous réduit au degré purement animal, c’est-à-dire à l’être doué de désir et qui cherche à l’assouvir.
Nous consommons car notre désir est attisé. Par la compétition entre les hommes (voir l’image des arbres en compétition chez Kant, sauf qu’ici ce sont les projecteurs que les arbres, nous-mêmes !, se disputent), par les publicitaires, par le climat angoissant du XXIème siècle. Le Moi fuit l’angoisse en disparaissant : désirs ! envies ! Soyez grands ! Soyez forts ! Je n’entendrai ainsi plus ma voix, je ne chercherai plus à m’élever à la Pensée ! Présomptieux philosophes grecs qui cherchez à dominer l’apparence ! Satané esprit Cartésien qui vise une domination des désirs par la raison ! Consommons, et cessons de vouloir être autre chose que des animaux désirants. Le Moi me fait peur. Louons en cela Pascal : et son analyse du divertissement. Se divertir. Se détourner de l’essentiel. Et si nos sociétés modernes reposaient sur une mauvaise conception du moi. Et si le but du néolibéralisme était de nous garder au simple stade animal ?
Nos sociétés actuelles nous offrent un magnifique asservissement d’autant plus vicieux qu’il se fait passer pour le summum de la liberté. Faut-il libérer nos désirs ou notre raison ? La question est métaphysique : qu’est-ce que l’homme ? L’homme se réduit-il à ses désirs ou à sa raison ? De la réponse à cette question dépend le fait de savoir si nous sommes sur la voie de la liberté ou de l’asservissement… Et si le développement durable et l’éco-citoyenneté reposaient sur une meilleure conception de l’homme : le moi durable ?
Allez, c’est les soldes, oublions cet intermède.