« Ça fait combien de temps que vous n'avez pas baisé, Monsieur Bronsky ? »J'aime : la fluidité du texte, le détachement des contraintes du dialogue, le jeu sur les redites, les bricolages typographiques, le bordel du texte. Sans doute, aussi, la qualité de la traduction joue-t-elle un rôle ?
« Ça ne vous regarde pas. »
« Vous vous tapez des branlettes ? »
« Ça ? Moi jamais. »
« Mais je suis certain que vous le faites. Après tout vous êtes encore un jeune homme. »
« Et pourtant, jamais. »
« Alors, je ne comprends pas pourquoi votre roman porte ce nouveau titre ! »
« LE BRANLEUR ? »
« LE BRANLEUR. »
« Les nouvelles vont si vite que ça ? »
« Comme vous voyez... »
Je dis : « Le titre est de Monsieur Grünspan. »
« Mais, il vous plaît ? »
« Je l'aime bien et j'ai l'intention de le garder. »
Le germaniste Rosenberg dit :
« Un titre profond, énigmatique ! Les critiques vont se creuser la cervelle. »
Edgar Hilsenrath, Fuck America, Attila, trad : Jörg Stickan, P.78-79
Mais Coup de tête c'est pas ça. J'aimerais que le texte soit aussi fluide et sec mais c'est pas ça. J'aimerais que la langue soit plus en surface, j'aimerais que la fiction comprenne qu'elle en est une et assume, mais c'est pas ça. Je me suis rendu compte, aussi, après ces relectures, que Coup de tête visait l'asphyxie pure et que les lourdeurs c'était du coton bien doux dans la gorge. Que le texte au rythme décortiqué bloque le souffle et casse la gorge, voilà ce qui semble être l'enjeu. Fuck America est plus nerveux, sanguin, et c'est une langue que j'admire, adore même, mais que je ne maîtrise pas. Et c'est pas la mienne. Pour ça bien sûr que je la veux.