Appliquons à la politique prônée par notre Ministre de l’Education un raisonnement par récurrence. Soit une classe d’une taille donnée. Ajoutons-lui un élément. D’après Monsieur Chatel, cet ajout n’a aucun impact sur le niveau de ses élèves. Nous nous trouvons alors devant une classe, comportant une unité de plus, et toujours aussi satisfaisante que précédemment. Nous pouvons donc répéter la même opération. Comme sa taille ne croît à nouveau que d’une unité, selon l’axiome châtelain, la classe est toujours aussi performante. Rien ne s’oppose à répéter autant de fois qu’il paraîtra utile à notre ineffable ministre cette adjonction d’un seul élève.qui se révèlera toujours aussi sans conséquence et l’on peut ainsi réduire le nombre d’enseignants, ce qui en fait, est l’unique but de ce ministre dit de l’Education. Le paradoxe de Zénon d’Elée, que je rappellerai peut-être quelque autre jour, nous indique alors que cette opération peut être renouvelée à l’infini avant de faire disparaître totalement les enseignants, Empruntons maintenant une terminologie mathématique : nous avons démontré que la propriété énoncée par Chatel au rang 1 est valide au rang 2. En la supposant valide au rang n, nous venons de prouver qu’elle est également valide au rang n+1. Elle se trouve ainsi démontrée quel que soit ce rang n.
Il est donc possible d’augmenter l’effectif d’une classe … de 10, 20, 30% et, pourquoi s’arrêter en si bon chemin, de le doubler, de le tripler, sans que la qualité de l’enseignement soit en rien affectée. Je propose que l’on prénomme désormais notre Ministre Jésus, puisqu’il réalise des miracles comparables à la multiplication des pains.
Abandonnons les mathématiques pour Alphonse Allais. Celui-ci contait dans une chronique quotidienne comment il avait entrepris d’habituer un hareng à vivre hors de son milieu naturel, l’eau. Il narrait jour après jour les progrès accomplis par son protégé qui avait pu rester hors de son aquarium d’abord cinq minutes, puis dix, ensuite un quart d’heure, bientôt une heure et ainsi chaque jour plus longtemps. Si bien qu’un jour, il reçut une lettre d’un ichtyologue suédois qui s’exclamait : « j’arrive de suite pour admirer cette merveille ». Si bien que le lendemain, dans sa chronique habituelle, Allais raconta comment, la veille, alors qu’il se promenait sur un quai de Seine accompagné de son hareng, celui-ci était tombé à l’eau et s’était noyé.
Dans le même registre, on connaît cette aventure d’un meunier qui entreprit de réduire chaque jour davantage la ration de son âne si bien que celui-ci expira juste alors qu’il s’apprêtait « à démontrer qu’il était possible de travailler sans manger ». Comme certains pensent pouvoir priver un hareng de son eau, d’autres un âne de sa nourriture, Monsieur Chatel semble résolu à risquer la même expérience avec le nombre d’enseignants. Dans un prochain billet, je lui prodiguerai quelques conseils.