Voilà un récit de voyage signé Pierre Loti qui est assez étonnant.
Ce livre a d’abord été l’occasion de se replonger dans la vie de Pierre Loti, un nom familier certes mais dont nous avions oublié le parcours. Pierre Loti, de son vrai nom Julien Viaud (1850 -1923), est un officier de marine et un écrivain qui poursuivra simultanément ces deux carrières. Il finira capitaine de vaisseau et sera élu à l’Académie Française à 42 ans (contre Emile Zola).
Son œuvre littéraire, très autobiographique, est marquée par l’exotisme et la sensualité. Il est fasciné par l’Orient que ses nombreuses affectations en mer lui permettront de découvrir et de connaître.
Le titre du livre est étonnant car on a beau chercher, pas un mot sur les anglais ! C’est une concession, en forme de provocation, à l’air du temps imprégné de la perfide Albion et de la part d’un représentant de la « Royale » rien de bien surprenant !
Pierre Loti aura un premier contact avec l’Inde en 1886 à Mahé, puis y retournera en 1899 à l’occasion d’une mission officielle dont il est chargé : remettre la croix de chevalier dans l’ordre des Palmes Académiques à Son Altesse le maharadjah du Travancore (l’actuel état du Kerala).
C’est à cette occasion qu’il effectuera un long voyage en Inde, un voyage dont l’itinéraire est surprenant car il ira, dans l’ordre, à Pondichéry, Hyderabad, Udaipur, Jaipur, Agra, Madras, Puri, Delhi, Bénarès, Calcutta et Bombay ! Jamais aucun agent de voyage n’aurait imaginé un tel parcours dans cet ordre si décousu !
Autre surprise, Pierre Loti ne dit pas un mot de Calcutta ni de Bombay !
En vérité, il faut passer outre ces détails et lire ce livre comme un récit de voyage, dans le style classique et très descriptif de Loti. Sa plume est une caméra qui observe l’Inde dans laquelle il se trouve. Au-delà des images, on y retrouve la recherche de l’exotisme, forcément comblée en ces lieux, exprimée sans beaucoup d’émotions par un grand voyageur déjà très imprégné de l’Orient.
Mais Pierre Loti ne cache pas sa fascination pour ce monde indien et sa civilisation passée. Il ne cache pas non plus sa fascination pour le mystère religieux indien qu’il cherche, en vain, à pénétrer. Nous ne percevons pas Loti en pèlerin dans ce livre, mais le Gange, dont la légende morbide lui fait peur, l’attire et la description des bûchers funéraires est amplement racontée.
A dire vrai, nous ne sommes pas des inconditionnels du style de Pierre Loti (comme les lecteurs de ce blog le savent, nous avons été beaucoup plus impressionnés par le style de Victor Jacquemont !), mais nous trouvons assez remarquable le fait que Pierre Loti se soit ainsi plongé dans les profondeurs de l’Inde, alors qu’on le sait davantage attiré par le Japon, Tahiti ou la Turquie. En cela il ne cède pas à ce courant du déclin de l’Inde qui prévaut en France, après la renaissance de l’orientalisme qui avait marqué la première moitié du XIX° siècle.