Sonnets du Passereau
I
Aimer un petit passereau est chose folle.
Il tournoie libre dans la longue cage bleue
à m’en oppresser la poitrine, tandis que
le peu de liberté d’aimer bientôt s’envole.
L’amour est-ce partage à deux? pécule? obole?
Une pressante, une rauque nécessité
de nous aimer au sein de l’amour se désole
à chaque baiser que bouche n’a pas donné.
Le petit oiseau descend à notre portée,
et dans cette chute soumise un vol s’ensuit,
et se poursuit sans ailes, comme pure absence,
romance qui dans la romance recommence.
Pour autant que passe l’amour ou qu’on le nie,
elle est chant (et non pas oiselle) son essence.
II
Des ailes qui battent? Rosé ouverte, la jupe
cisèle, dans son tournoiement, le corps léger.
Entre des muscles suaves, un joyau pur,
scintille à brève portée du regard, scellé.
Ce qui, lorsqu’à peine perçu, est évoqué
avec des mots tels que cambrésine ou duvet,
ce qui est feu subtil, sur la neige attisé,
galbe d’une cuisse atlantique sur la plage,
cela se résout-il en femme ou en oiseau?
Au visage ce même air grave ou éthéré,
cette indécise traînée de soleil couchant,
de fugue, que Ton retrouve au bec de l’oiseau.
Le reste, c’est guise humaine ou bien déshumaine,
au gré du penchant où m’incline ma méprise.
(Carlos Drummond de Andrade)