Nous sommes le paysage du paysage (Carlos Drummond de Andrade)

Par Arbrealettres


Ouvrir un portail. Il grince. Indifférent.
Une vache-silence. Je ne la regarde même pas.
Un jour ce silence-vache, ce grincement
battront en moi, parfaits,
existant de face,
de dos, de profil,
absolument tangibles. Quelqu’un demande à côté:
qu’est-ce que tu as?
Et je n’ai rien
hormis le bruit-portail, la vache silencieuse.

Paysage, pays
fait de pensée du paysage,
dans la créative distance espacetemps,
en marge des gravures, des documents,
lorsque les choses existent avec violence
plus que nous n’existons: elles nous peuplent
et nous regardent, nous fixent. Contemplés,
soumis, d’elles nous sommes la pâture,
nous sommes le paysage du paysage.

(Carlos Drummond de Andrade)