J'entends déjà certains se dire : Benjamin Biolay ? C'est rock ça ?
Si vous pensiez que le citoyen de Lyon oeuvrait dans la variet, lisez ces lignes, vous risquerez peut etre ensuite d'abandonner vos idées préconçues pour vous plonger dans l'univers d'un des
artistes français les plus intéressants de la décennie digne successeur de Gainsbourg et Bashung.
Beaucoup de monde sur la Grand Place de Bruxelles hier soir, des touristes et des amateurs de ballade estivale attablés aux terrasses des tavernes. Il faut dire que soleil présent toute la
journée incitait à la flânerie.
Nous sommes sans doute Laura et moi les seuls à marcher d'un bon pas histoire d'arriver vers 19h à l'AB, le concert affichant sold out à quelques dizaines de tickets près qui
s'écouleront rapidement à la caisse du soir.
Vers 19h20 nous sommes installés au balcon et la salle se remplit lentement.
Le public est semblable à celui d'un Bashung ou d'un Murat : des amateurs de rock, de textes intelligents, bref un public habitué à venir remplir les salles obscures à les
entendre évoquer leurs derniers concerts en date.
On se sent donc en famille.
19h55, Joyce
Jonathan accompagnée d'un guitariste acoustique s'avance timidement devant une salle à moitié remplie.
La jeune folkeuse (elle a à peine 21 ans) dont l'album sorti sur ''My major Company'' est déjà disque d'or ne sera pas tres convainquante, ses compos assez
gentilles, pour ne pas écrire niaises ne passant pas bien la route interprétées en duo acoustique dans des arrangements assez faiblards.
Elle récoltera des applaudisement polis et mettra un peu d'ambiance dans les 1ers rangs lors du dernier morceau de sa prestation de 20 minutes.
Dispensable donc..
Entracte.
20h30, les lumières s'éteignent et de suite nous sommes plongés dans un univers sombre aux lights blancs-ocre-rouge sur fond de lamé, la voix off de Michel aumont cite : " Pour écrire un seul
vers... (Rainer maria Rilke).
Benjamin Biolay est là assis
quelque part dans l'ombre pres du piano, il écoute, se lève pour rejoindre l'avant-scène, le public l'acclame: c'est parti !
Du morceau inaugural "Tout ça me tourmente" au dernier "Brandt Rhapsodie" en duo avec sa harpiste/choriste il est impossible de s'ennuyer tant les orchestrations et les parties instrumentales
jouissives du band( le batteur est fabuleux !) nous transportent tres tres haut dans la qualité musicale et dans l'énergie d'un rock sombre évoquant par le look et le son un mix de Nick
Cave et Damon Albarn with a french touch.
Il nous proposera un savoureux mélange de ses meilleurs titres : Dans la Merco Benz (réinterprété en Sarko-Benz, Carla-benz, etc..), 15 août, La Superbe (une version exceptionnelle à vous donner le frisson ! .. ), Si tu suis mon regard, Brandt Rhapsodie, Assez parlé de moi, Lyon presqu’île et une version de Négatif mêlé avec Clint Eastwood de Gorillaz.
Le band (basse, batterie, synthés, theremin, violoncelle, harpe, chœurs, glockenspiel, sax... ) est parfait en tous points et Benjamin excellent pianiste lors de beaux moments où il est seul en scène , ou trompetiste (le temps d'un solo évoquant le grand Miles), magnifie ses chansons avec de classieux arrangements entre pop, rock et un zeste de hip hop.
Le concert semble se décliner en 3 parties : une partie "ambiance sombre et poétique"ou l'homme parfois hésitant et timide ( mais c'est ce qui le rend attachant..) se dévoile lentement, un set piano où sa seule présence en scène suffit à maintenir 2000 regards attentifs, et une 3e partie rock expérimental, où on retrouve un Biolay habité, éructant
" A l'origine on avait pas des pétards de carabineNi les cheveux en pétards, dans le dressing
On cachait pas de cadavre
A l'origine on était pas si macabre..."
...sous un déluge de riffs de guitare et de percus, l'homme à genoux sur scène se donne corps et âme...
On en sors pantois.
Quel grand moment: ma-gni-fi-que !
Apres 2h d'une prestation allant crescendo et comprenant 2 rappels, l'homme restera de longues minutes en bord de scène à distribuer des autographes, à serrer des mains, sans prétention, alors que la salle rallumée continue à l'ovationer.
Benjamin Biolay, comme Murat, souffre du décalage entre l’image publique qu’il donne et celle qu’il réserve à ceux qui vont le voir jouer sa musique live, ce qu’assurément il fait le mieux.
Un immense artiste, absolument incontournable !