Quand j'étais étudiant, je m'étais mis à grimper un peu sur les murs de brique des berges de la Garonne à Toulouse. Je n'imaginais pas qu'un jour je toucherais un peu à l'escalade. Cela me semblait parfaitement stupide de courir un risque quelconque sans parler de celui de faire du sport. Pourtant, la brique sous le Pont-Neuf offrait la possibilité d'exercer un yoga minimaliste, qu'il fasse une chaleur de tous les diables ou un froid de canard, le mur finissait par m'attirer de manière obsédante jusqu'à y faire un tour la nuit, dans la semi-obscurité, halluciné, amoureux, désespéré ; restons raisonnable, le plus souvent à jeun, au printemps, quand la pierre est tiède et le soleil du midi point trop accablant.
Bien des années plus tard, je viendrais à découvrir les falaises les plus courues de ma région, Arguibelle, La Mâture, Lourdes, le Pibeste, Arthez-d'Asson et bien sûr Arudy. Il existe un topo d'Arudy c'est-à-dire un petit livre indiquant le nom, la difficulté et la localisation des voies. Arudy ayant été exploré et équipé par des sacrés types dès la fin des années 50, la cotation des voies, éternel sujet de discussion pour les grimpeurs, était plutôt sévère. Jean Ollivier écrivit plusieurs topos dont personnellement je ne connais que la dernière version, celle datant des années 90. Sur le plan esthétique, il est daté mais c'est là que réside son charme. Il faut dire que certains grimpeurs sont aussi doués pour jeter le tracé d'une voie sur le papier que pour trouver la ligne la plus pure dans leur escalade.
La Maison de la Montagne de Pau annonce sur son blog la sortie du nouveau topo d'Arudy, une oeuvre collective cette fois, un diamant à n'en pas douter.
Observons que la critique littéraire s'intéresse rarement à ce type d'ouvrage, à toute la littérature "fonctionnelle" d'ailleurs, revues techniques, guides, manuels, brochures, dépliants touristiques, professionnels. Le Chaix et le catalogue Yvert et Tellier ne sont-ils pas les chefs d'oeuvre à la gloire du service public (de la SNCF et des Postes) qui valent le catalogue de bien des expositions ? Le guide vert ne vaut-il pas davantage que nombre d'essais historiographiques ?
(J'invite d'ailleurs quelques blogueurs à chroniquer à leur tour un chef d'oeuvre de la littérature ignorée, livre de recettes, annuaire professionnel, brochure indispensable... J'ai pensé à L'Homme Scalp, Des Fraises et de la tendresse, . Et ce serait bien si on pouvait avoir des nouvelles de Z ., MG , d'Irene Delse dont le blog a semble-t-il disparu.)photo : smiscandlon