Trop souvent considérés comme une vulgaire farce, un affront au bon goût, une bande d'imposteurs déguisés, Sigue Sigue Sputnik a pourtant été pensé et créé au début des années 80 par des musiciens bien connus de la scène punk/glam Londonienne, et plus particulièrement le bassiste Tony James (ex-London SS avec Mick Jones des Clash, Brian James des Damned et ex-Generation X avec Billy Idol.)Le groupe restera connu pour son single "Love Missile F1-11" (1986) qui se placera dans la plupart des charts européens et sera utilisé dans le film de John Hughes, La Folle Journée de Ferris Bueller. C'était pourtant pas gagné d'avance. Au milieu des années 80, c'est les new romantics façon Duran Duran, Culture Club (Martin Degville, chanteur de Sigue Sigue Sputnik aurait d'ailleurs été le colocataire de Boy George) qui cartonnent en Europe, et aux Etats-Unis, c'est le glam metal (Quiet Riot, Mötley Crüe, Ratt) qui remplit les stades.
A l'heure où 1990 est considéré comme la vision ultime du futur et où la révolution porte le nom d'Atari, le groupe développe son concept rock'n'roll électronique futuriste outrancier sur fond d'ultra-violence post-apocalyptique façon Orange Mécanique, Blade Runner... La musique emprunte autant à Eddie Cochran, T-Rex qu'à Suicide (Mick Jones offre au groupe ses premiers synthétiseurs) et le look mélange coupes de cheveux/perruques défiant les lois de la gravité, fringues glam rock et symboles de propagande communiste. L'étoile rouge frappée des lettres SSS fait figure de logo. Autant dire que and on a 13 ans, qu'on pense que Mötley Crüe et KISS sont les groupes les plus lookés de la planète, on se prend une bonne claque en tombant sur "Love Missile F1-11" diffusé en pleine après-midi sur une chaîne de télévision française.
Tout ce buzz créé par l'image ne participera évidemment pas à la crédibilité musicale du groupe (Tony James a d'ailleurs selon la rumeur réussit à faire signer le groupe sur EMI sans même avoir fait écouter sa musique, juste un teaser video!) mais SSS contrôle tout, va même jusqu'à créer de toute pièce leur groupe de première partie Transsexual SS et n'hésite pas à incorporer des publicités sur ses enregistrements! Accusés de playback, mais aussi de traitrise par la scène punk, le groupe se retrouve seul contre tous. Le succès de l'album "Flaunt It" (1986) leur ouvre aussi de nouvelles portes qui se refermeront tout aussi vite : SSS travaille avec les célèbres producteurs Stock Aitken et Waterman (Kylie Minogue, Bananarama, Rick Astley...) et choisit la carte de l'ironie pour "Success", le premier single du deuxième album "Dressed For Excess". Le public ne suit pas, le mystère est tué, les Sex Pistols futuristes étaient déjà loin derrière, et le label se désintéresse finalement de SSS. Le groupe dont tout le monde parlait en 1986 était déjà quasi enterré et oublié en 1988... Too much too soon. Chacun part de son côté.
Tony James rejoint les Sisters Of Mercy de 1989 à 1991, Chris Kavanagh s'allie avec Mick Jones pour Big Audio Dynamite II... Et pourtant.. A l'aube des années 2000, il va de soi que Sigue Sigue Sputnik n'allait pas passer à côté de l'ère d'Internet. Ils se reforment en 1999 (les moyens ne sont certes plus les mêmes mais je les verrai tout de même en Allemagne) et leur hit "Love Missile F1-11" se retrouve sur le jeu video Grand Theft Auto: Vice City en 2002. Aujourd'hui, Martin Degville joue encore les classiques du groupe sous le nom de Sputnik 2. Alors, Sigue Sigue Sputnik, imposteurs cyniques? clowns "one hit wonders" de l'industrie musicale? ou visionnaires sous-estimés? inventeurs de l'electro glam? Choisissez votre camp, vous aurez deviné le miens sans trop de difficulté.Un ami m'a un jour dit : Sigue Sigue Sputnik l'a pensé, Lady Gaga l'a fait. Et si il avait raison ?