La carričre opérationnelle du Boeing B-52H se prolonge indéfiniment.
Il suffit d’avoir assisté une seule et unique fois au décollage d’un bombardier stratégique Boeing B-52H Stratofortress pour que l’image soit ancrée ŕ tout jamais dans la mémoire. Pourtant, contrairement ŕ d’autres avions mythiques comme le Concorde, le gros octoréacteur n’est ni beau, ni élégant. Il impressionne par son histoire, ses faits de guerre, son aspect indestructible et, bien sűr, sa longévité. A lui seul, il raccourcit singuličrement l’histoire de l’aviation, sachant que son étude a commencé dans les années quarante et que le prototype a effectué son premier vol en aoűt 1954. Il y a donc largement plus d’un demi-sičcle, sans que l’heure de la retraite des derniers avions ait sonné. Loin de lŕ, la refonte en cours des forces stratégiques américaines va apparemment conduire ŕ lui attribuer un rôle réaménagé …mais un rôle toujours important. En d’autres termes, les 94 appareils en service ont tout l’avenir devant eux.
Il est d’ailleurs réguličrement question de les doter de moteurs de technologie actuelle, par exemple des Rolls-Royce RB211, en lieu et place des vénérables Pratt & Whitney J57, alias TF33, dont la consommation spécifique date évidemment ŕ une autre époque. Avec des propulseurs modernes, la distance franchissable du B-52H passerait ŕ 20.000 km environ, contre 16.000 km actuellement. C’est lŕ une notion malgré tout théorique, sachant que la plupart des missions impliquent le support de ravitailleurs en vol (eux aussi d’un âge vénérable). En marge de l’un ou l’autre conflit, on a appris que certaines missions pouvaient s’étendre sur 35 heures de vol.
Au fil des années, les B-52H ont d’ailleurs posé des problčmes inattendus au Pentagone, le TF33 étant bruyant comme l’étaient les moteurs de sa génération. D’oů des confrontations environnementales avec les riverains de certaines bases, qui se sont battus pour obtenir l’arręt des décollages et atterrissages de nuit, par exemple ŕ proximité de Carlswell Air Force Base, au Texas.
Cela étant dit, on retient que Ťle B-52 ne vieillit pas, il s’amélioreť (1). Ceux qui subsistent, tout au moins, la plupart des 744 exemplaires produits ayant été retirés du service au fil des décennies. Toutes considérations militaires mises ŕ part, cette étonnante machine pose aussi un problčme quasiment philosophique ou tout au moins historique qui, la plupart du temps, échappe aux spécialistes. Comment se fait-il, en effet, que la premičre puissance au monde continue de mettre en œuvre un bombardier de conception aussi ancienne ? En d’autres terme, les techniques propres ŕ l’aéronautique auraient-elles cessé d’évoluer moins de 50 ans aprčs les premičres envolées des frčres Wright ?
Ce n’est évidemment pas le cas. Et il va de soi que le B-52 serait oublié depuis longtemps s’il devait se conformer aux critčres de base de l’aviation civile. A commencer par la consommation de carburant trčs élevée de ses moteurs, d’un niveau inacceptable sur base de critčres commerciaux. Alors que les ravitailleurs KC-135 ont été remotorisés en fonction du męme raisonnement, les B-52 ne l’ont pas été. Pour le reste, il faudrait tout changer, par exemple renouveler la cellule en faisant largement appel aux matériaux composites mais sans nécessairement faire appel ŕ une conception aérodynamique fondamentale différente.
Il est vrai que le B-52 (et juste avant lui le B-47) a été conçu sur base d’idées novatrices. A savoir les nombreux avantages que présentait le concept de l’aile en flčche, étudié par les bureaux d’études allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, et découvert par les Américains dans les ruines du IIIe Reich. George Schairer, chef aérodynamicien de Boeing de l’époque, personnalité trčs respectée, ne s’en est jamais caché.
Tout cela est désormais bien loin. Mais le B-52H est toujours lŕ, plus vaillant que jamais.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(1) Remarque judicieuse, malheureusement anonyme, reprise par notre confrčre Frédéric Lert, auteur d’un ouvrage de référence sur le B-52 publié par les Editions Larivičre.