Je m’étais pourtant dit que je n’irai plus voir Air. Écouter leurs disques à la limite, mais en concert, non, ils étaient définitivement trop ennuyeux (qui a dit, "leurs disques aussi" ?). Pourtant, voilà, on aime bien les artistes dont Jean-Benoît Dunckel et Nicolas Godin ont choisi de s’entourer pour leur carte blanche à la Cité de la Musique, et c’est pour ça que je me retrouvais là-bas hier (pour voir Gaz Coombes et Danny Goffey de Supergrass, aka The Hot Rats) et que j’y retournerai ce soir (pensez donc, ils ont invité l’immense Jarvis Cocker).
Hier, disons que pour voir The Hot Rats, j’aurais pu m’abstenir et demeurer sur le souvenir de leur concert au Point Éphémère. Face à un public qui, visiblement, ne les connaissait pas, qui, assurément, ne savait pas que Supergrass donnera au grand complet son tout dernier concert (d'adieux) à la Cigale vendredi prochain, face donc à un public qui s’en foutait, s’ennuyait poliment (oui, le public de Air est très, très poli…), prenait le duo pour le premier groupe de reprises de la fête de la musique venu, The Hot Rats ne jouèrent qu’un petite demi-heure, sans même daigner balancer Queen Bitch de Bowie ou The Lovecats de Cure. Frustrant. Frustrant aussi de se sentir si seul, à côté d’un public hagard, so romantic et déjà mentalement envapé dans les nappes hypnotiques de leurs héros versaillais…
Pour autant, on savait que Gaz et Danny reviendraient puisque le gros morceau de la soirée consistait en la réinterprétation live par Air et The Hot Rats de la bande originale de Virgin Suicides, le film de Sofia Coppola, qui, on le sait, doit tant à la musique des premiers. Attendons donc, se disait-on alors, et qui sait, peut-être se fendront-ils ensuite de quelques reprises millésimées Hot Rats à quatre…
Avant cela, l’entracte. On regarde autour de soi. Les gens sont sages, propres, bien peignés. Comme la musique de (h)air. Et puis, on s’attarde sur ceux qui font tache. Il y a ces deux mecs tout petits mais très bodybuildés (on écoute donc Air dans les salles de sport ?), extatiques et criant très fort pendant le concert, cet ado mal dégrossi dont le foulard autour du cou le fait ressembler à un scout, ces anglaises fines et élancées sorties des backstages et déjà vues au Point Éphémère (des copines à Gaz et Danny sans doute), cette famille bourge au grand complet : la mère élégante (qui a dit MILF ?), sa fille – jolie – qui doit, les soirs de spleen, se prendre pour une sœur Lisbon, un frère, un mec, un cousin, je sais pas trop, petit blazer, chaussures vernies, polo Lacoste, les cheveux mi-longs délicatement agencés, la barbe de trois jours bien étudiée. Le père ventripotent, un peu vieux beau, lui, ressemble à l’ancien PDG de la Fn*c. Ou alors, il bosse dans la pub. Il lit le programme, parle des deux mecs qui jouaient en première partie, découvre, article à l’appui, le nom de Supergrass : œil morne des teenagers l'accompagnant qui sont trop jeunes pour avoir connu le groupe du temps de sa splendeur. Grand moment de solitude. Et puis, en lisant le programme et la liste des morceaux repris sur disque par The Hot Rats, le père croit reconnaître ce morceau de Roxy Music qu’ils n’ont même pas joué (ah ouais, tiens, Love is the Drug, ç’aurait été bien quand même)… Regard admiratif, du fiston, du cousin, du mec de l’adolescente, je sais pas, qui trouve que le presque quinqua, il assure quand même vachement à connaître comme ça les vieux groupes mythiques : Roxy Music, il a dû lire le nom en regardant le programme de Rock en Seine 2010 et comprendre que, quand même, ils avaient dû être un peu influents, il y a longtemps, deux, trois ans avant les Libertines, quoi…
Vite, par pitié, faut que ça commence… J’ai peur de voir débouler des "jeunes pop" de l’UMP…
Virgin Suicides donc. Seul vrai bon film de Sofia Coppola, premier grand livre de Jeffrey Eugenides (allez lire Middlesex !), album inégal de Air... Pour le coup, ce fut très chouette, l’acoustique du lieu étant en outre à la hauteur de la sophistication des arrangements. Et si l’énergie du chanteur et du batteur de Supergrass ne transformèrent pas littéralement les petits chimistes de Air en leurs Mister Hyde punk-rock, disons qu’on les sentit quand même un peu plus libérés, vaguement contents d’être là. Et puis, à la basse, en mode Herbie Flowers, Godin assura carrément. L'émulation, c'est bien. En guise de rappel de ce concert très court, les quatre musiciens s’aventurèrent dans un Don’t Be Light jadis chanté par Beck, qui, pourtant issu de leur meilleur album (10 000 Hz Radio), fut joliment foiré (oui, c’est sûr, j’aurais préféré The Vagabond). À 22 heures, c’était plié. Bon. Ça tombait bien, je devais me lever tôt.
Pour dire comme cette soirée fut punk, j’ai même vu en sortant Gaspar Noé, le réalisateur du film le plus con de l’année dernière (tellement idiot, d’ailleurs, ce film, qu’il a redoublé et qu'il n’est sorti que cette année)…
Courage, ce soir, il faut y retourner… On sera quoi, 5%, 10% à savoir que le grand échalas barbu qui va chanter avec eux fut le leader du plus grand groupe britannique des années 90…
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