51 films en 15 années d’activité de cinéaste, Lee Man-hee est mis à l’honneur à la Cinémathèque Française à travers douze films. Douze oeuvres pour (re-)découvrir un auteur coréen de renom.
Avec Black Hair / Geomeun meori (1964), Lee Man-hee signe un drame mais pas que. Un mélodrame de gangster serait la meilleur définition de cette œuvre qui dénote un regard propre de metteur en scène.
Dans le milieu du crime organisé, une femme qui trompe son mari est défigurée et répudiée par son mari. Subissant un chantage, la femme du chef de bande se fait violer, elle se retrouve sous le coup de cette règle de vie…
Film noir, Black Hair traite de la culpabilité d’un homme, du courage d’une femme prisonnière d’une condition mais aussi de sujets beaucoup plus sombres tels la drogue et la prostitution. Black Hair est surprenant à cela qu’il dépeint la société sud-coréenne avec une noirceur peu commune. Lee Man-hee s’attache à nous montrer un chef de bande allant à l’encontre des codes établis dans le milieu du crime. Et ce, pour l’amour d’une femme. Il chamboule ainsi les principes qui le régissent et menace son propre statut. Il y a une certaine audace à nous montrer ce malfrat qui s’avère être un homme comme un autre sous le poids de la culpabilité. Certes, il est dur, sans scrupules mais l’émotion, sentiment propre à tous le touche également lorsqu’il perd la seule chose qu’il ait aimé et qu’il aime. La pression du groupe étant, il devient l’une des victimes de ces règles qui dirigent ce milieu et s’y plie.
Mais la véritable victime de ces us et coutumes c’est la femme, échue de son statut social qui subit dès lors la punition du groupe qu’on pourrait qualifier d’acte primitif. Balafrée, pour la marquer et qu’elle soit reconnaissable de tous. Elle devient par cet acte un rebus de ce microcosme où on lui interdit d’effacer ces marques permanentes. On l’oblige à rester avec son violeur, toxicomane de surcroît pour lequel elle se prostitue. La prostitution comme moyen de survie. Là où Black Hair surprend également c’est dans cette façon de nous raconter ces conditions d’hommes et de femmes voguant dans des bas-fonds insalubres. Une carte postale plutôt glauque d’une Corée du Sud rongée par la drogue, scène étonnante pour l’époque où l’on voit les toxicomanes se droguer. Egalement rongée par la prostitution des femmes avec une mise en exergue des maisons clauses et le fonctionnement de ce petit monde.
Black Hair est pourtant une œuvre inégale. Si la réalisation se veut sans surprise bien qu’elle montre par moment des plans intéressants (à l’image de l’antichambre où les hommes jouent aux cartes), la dynamique souffre parfois d’un faux rythme qui égratigne une intrigue qui a tendance à se perdre. Si la première partie du film est la plus réussie par l’intérêt qu’elle suscite, notamment quand le cinéaste s’attarde sur la déchéance de cette femme suite à sa punition. On regrette que le cinéaste sud-coréen justement n’est poursuivit sur le propos de l’emprisonnement psychologique de l’héroïne. On remarquera également (une remarque comme ça, sans véritable fondement) le fétichisme de Lee Man-hee pour les gants de cuir que trois des ses personnages enfilent. Trois hommes : le chef, son bras droit ainsi que le chauffeur de taxi, l’espoir de la femme déchue. Un fétichisme de l’habit qui rappelle d’une certaine manière Jean-Pierre Melville et ses héros arborant trench coat et borsalino. Trois personnages phares représentant la dualité au service de la dramaturgie.
> Rediffusion le samedi 19 juin 2010 à 21h30, salle Georges Franju
I.D.
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