En DVD : Esther est méchante, d’ailleurs elle est brune et les brunes sont méchantes, sauf Etienne Daho qui est vraiment trop gentille. En plus d’être brune, Esther s’habille comme Laura Ingalls, ça fait beaucoup pour une petite fille. Heureusement Esther a de la répartie, une camarade un peu facétieuse se moque de sa trombine, elle lui défonce le portrait, un pigeon blessé tombe à ses pieds, elle l’écrase avec une brique, un fâcheux veut la dénoncer à sa mère adoptive, elle le brûle dans sa cabane. Il n’y a bien que le papa qui ne voit pas qu’une personnalité aussi explosive finira par nuire à l’équilibre familial. La maman a des doutes, elle est blonde avec des yeux tristes et ressemblent à Vera Farmiga, d’ailleurs c’est elle, elle doit vivre avec le souvenir d’un enfant mort né, c’est un œdipe inversé, j’imagine la séance de travail des scénaristes :
- C’est une petite fille, elle a l’air gentille mais en fait elle est méchante, elle décime une famille d’honnêtes travailleurs bretons avant de se faire rétamer la face par la maman qui dirait « I’m not your fucking mummy » assorti d’un coup de pied retourné
- Pas mal, mais pourquoi une famille d’honnêtes travailleurs bretons aurait une petite fille méchante ? T'as quelquechose contre les bretons ? - Elle a vu Olivier Besancenot à la télé et refuse de manger du porc, du coup elle est frustrée? - Non, trop politique. - Elle a une maladie rare qui affecte son cortex cérébral ? - Trop médical - Elle est jalouse de son frère qui en a une plus grosse ? C’est bien ça, le public gay devrait adorer - Trop tiré par les cheveux - Elle est possédée et doit voir un exorciste ? - Déjà fait - Je crois que j’ai trouvé, ce n’est pas une petite fille normale, elle a été adoptée et elle est brune ! - Mais pour quelle raison une famille d’honnêtes travailleurs bretons adopterait-elle une petite fille brune, pourquoi pas juive pendant que tu y es ? - Œdipe inversé ! La mère a perdu un enfant en couche, elle se sent coupable, elle veut compenser. Juive, c’est une bonne idée ça, je crois que j’ai trouvé le prénom de la gamine. - Tu vas trop loin Maurice. - Prends un chewing gum Emile. - Je crois que cette histoire de bretons, c’est pas top finalement. - T’as raison, ça craint, difficile à vendre. D’ici à ce qu’Halle Berry récupère le rôle, tu l’imagines en bigoudène ? - Allez, on supprime, j’envoie le pitch à Luc Besson, devrait adorer le nabab. Tu fais quoi ce soir ? - J’ai rendez vous avec Pauline Lefèvre, tu sais la miss Météo de Canal, je lui ai promis un rôle… - T’es vraiment un enfoiré. - C’est pour ça que tu m’aimes, allez tchâoo ! Embrasse Besson de ma part. Où l’on voit qu’un scénario n’est bien souvent que l’addition d’un vague concept et d’un détail qui tue, le tout agrémenté de fioritures freudiennes qui jouent un rôle de lubrifiant, où l’on constate également que les scénaristes maîtrisent à la perfection le procédé de synesthésie des contraires. Le résultat à l’écran est loin d’être insipide, au contraire, il faut admettre que le réalisateur (Jaume Collet-Serra) a du métier et des références, malgré des situations vues et revues, il réussit à provoquer l’émoi des spectateurs les plus endurcis. L’interprétation est de premier ordre, on avait déjà repéré Vera Farmiga (vue dans In the air) dans quelques productions indépendantes, blonde classieuse, elle délivre une composition émouvante et réussit à faire oublier un nom de purgatif. "Avec Farmiga, mon transit est fluide et je ne m’ennuie plus dans les bouchons (rire de gorge, gros plan sur le produit)". Bref, Esther (édité chez Warner Home Video) est un film de genre de qualité : on frissonne de bout en bout. Sentenza