Alors que les sociétés de taille intermédiaire défendent leurs spécificités, on peut s’interroger sur la prise en compte de la notion de taille de l’entreprise par le droit français. Le législateur français prend depuis peu en compte la PME de manière ponctuelle et éparse, sans qu’aucune définition juridique de la PME n’ait jamais été retenue, et sans nécessairement respecter la définition européenne.
En effet, les entreprises existent sous deux formes en droit français, celles du travailleur indépendant (profession libérale, artisan, commerçant…) et sous la forme sociale (SA, SARL, SAS). La loi sur l’auto-entrepreneur (1) est un exemple de prise en compte récente de la spécificité des PME.
Au niveau européen, la définition de la PME (2), est seulement économique et, au surplus, n’est pas toujours respectée par le législateur national. En effet, force est de constater que la loi de finances (3) , prévoyant une avance de trésorerie pour certaines sociétés, a eu une vision beaucoup plus large, puisqu’elle a inclus dans les PME les entreprises qui emploient moins de 2000 salariés (4).
Cette loi prévoyait une avance de trésorerie pour les PME, s’agissant d’un mécanisme de prise en compte des pertes subies dans leurs succursales ou filiales étrangères détenues à 95 %, ce qui correspond à un avantage en trésorerie puisque ces déficits devront être rapportés aux résultats ultérieurs, au plus tard cinq ans après leur constatation. Il en est de même s’agissant de la loi LME du 4 août 2008 et le décret n°2008-1354 du 18 décembre 2008, qui ont rajouté une catégorie supplémentaire par rapport à la définition européenne en créant les « entreprises de taille intermédiaire » (ETI). Au surplus, il s’agit de celles comprenant moins de 5 000 personnes et un chiffre d’affaire annuel inférieur à 1 500 millions d’euros.
Concernant la forme sociale, aucune différence n’est faite en droit français entre petites, moyennes et grandes sociétés. Ceci s’explique historiquement par la loi n°66-537 du 24 juillet 1966, codifiée à droit constant depuis lors dans le Code de commerce, qui ne distingue qu’entre les « sociétés cotées » et « non cotées ». Hors du marché boursier, point de salut pour le juriste s’agissant des entreprises.
Il est toujours apparu comme naturel, évident, de s’intéresser avant tout aux grandes entreprises. En effet, les PME ne constituent pas un champ d’analyse spécifique reconnu par la doctrine juridique et les chercheurs travaillant sur le thème de l’entreprise sont naturellement plus enclins à étudier les grandes entreprises. D’abord car ils disposent facilement de données à leur propos et ensuite car il semble a priori plus gratifiant de réfléchir sur une multinationale que sur une PME. Cependant, depuis la fin des années 1980, la grande entreprise n’est plus considérée comme la panacée économique, en raison de la prégnance de son caractère transnational, de la mondialisation et des délocalisations qu’elles engendrent. Le législateur s’est donc naturellement tourné vers les PME, à compter des années 1990, dans la mesure où elles semblent être le seul moyen de créer de la croissance et des emplois dans les pays riches.
En France, c’est donc le même corps de règles qui est usité quel que soit la taille de l’entreprise.
L’actuelle apparition empirique d’un ensemble de règles particulières concernant les PME, au cas par cas, suivant les besoins de la pratique, donne un sentiment de désordre et d’incohérence en créant une superposition des normes. Les entreprises existent donc dans un cadre juridique imparfait qui, concernant les PME, ne tient pas compte de leur spécificité sui generis mais qui les prend uniquement en compte à l’aune de certains points d’intérêts ponctuels. Cette prise en compte est décousue et se fait, de facto, sans création d’une base juridique cohérente en droit positif. Il est donc grand temps pour le juriste de mener le droit de l’entrepreneuriat sur les fonts baptismaux.
Notes :
(1) loi n°2008-776 du 4 août 2008
(2) issue de la recommandation de 2003/361CE
(3) n°2008-1425 du 27 décembre 2008 pour 2009
(4) cf. A. Pando, Eclairage, Entreprises et sociétés cotées, les grandes oubliées du budget 2009, Bull. Joly 2009, p.10