Etat chronique de poésie 906

Publié le 03 juin 2010 par Xavierlaine081

906

Quitter les tours d’ivoire et se mouiller, non du bout du pied, mais s’immerger au monde.

Au risque de suffoquer, cueillir à bras nus les naufragés d’un siècle en perte de sens : deux bras n’y suffiront point.

*

Loin des discours pompeux, des langues mielleuses qui visent à endormir le peu de cervelle encore disponible une fois les tâches de survie remplies, écrire…

Temps volé à un autre qui participe du naufrage.

Survie de gagnes petit qui ne laisse à chaque jour que maigre parcelle de liberté conditionnelle.

*

Il en est qui s’étonnent de leur fragmentation du sommeil.

Ils voyagent, malles ouvertes sous des yeux qui ne tiennent ouvert que par le tuteur d’une allumette.

Tu les voies : ils déambulent en pas épuisés, traversent la ville comme des fantômes.

Encore ne font-ils le périple que par nécessité : l’escarcelle vide, c’est pure torture que de marcher aux devantures rutilantes, résister à la tentation d’entrer, de s’offrir un petit plaisir.

Se retenir, parce que, dans la tête, déjà sonne le téléphone :

- C’est votre conseiller financier (sic), votre compte est à découvert, comment faisons-nous ?

- Bé, j’travaille, j’passe mes journées à travailler : j’pourrais faire des économies, que j’les ferais volontiers ! 

- Non, mais vous proposez quoi, là, tout de suite, pour combler le trou ? Si vous ne réinjectez pas quelques sous, nous serons obligé d’avoir recours à l’interdit bancaire, avec toutes les conséquences… 

- M’faites pas ça : avec quoi j’paierai l’essence pour travailler ? 

- Alors, bougez-vous, faites quelque chose ! 

- J’pourrais peut-être revendre mon logement acheté à crédit, dormir à mon boulot. C’est vrai ça, pour le temps que j’y passe, vu qu’ma femme a déguerpi, lasse de m’attendre, avec un gigolo qui claque de l’artiche sans retenue, à quoi bon avoir encore un lit ? Un p’tit pliant dans un coin du bureau ferait bien l’affaire… 

*

Tu trempes tes doigts dans l’encre

Tu fais semblant de vivre

Tu ne dis plus rien à personne

Tu n’sors plus

Tu n’dines plus

Tu fermes ta porte à double tour

Tu ouvres la fenêtre

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Manosque, 21 avril 2010

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