Donne-moi de mes nouvelles, ainsi commence cette soirée-là. Donne-moi de mes nouvelles, ce petit décalage d’un mot, c’est la poésie d’Allain Leprest. On va essayer d’être seulement présent, avec ses chansons, sa voix qui gratte les mots, qui les racle parce qu’elle va les chercher où l’on ne va pas, où c’est difficile, où il faut travailler avec les mains. Allain Leprest est un travailleur manuel et ses mains, ce soir, sont fermement accrochées au pied du micro. Lui, il est debout, c’est le seul qui soit debout dans cette salle où tout le monde est assis. Debout avec ses mains, ses mots, ses maux, et son ironie qui arrive à faire des siennes. Toujours le même, quand même, et après quelques chansons, pendant un instant, je l'ai vu rajeunir. Pendant un instant, dans ses yeux, il y avait la mer, il y a toujours la mer, comme chez Brel, Ferré, et d’autres. Dans son visage, il y avait une force qui voulait tenir, comme tiennent les enfants dont jamais on ne saura s’ils seront Mozart, Van Gogh ou même Jésus. Dans ses mains, il y avait Paris, Mont Saint Aignan, Ivry, Martainville et même quelque part entre Osaka et Tokyo. Dans ses mots, il y a les étoiles et Gagarine, la fumée et la bouteille, et l’avenir, oh l’avenir, mais « vivre est un train aveugle (…) il serait temps qu’on meugle ». Et nous, on est là, on ne dit rien parce qu’au fond on ne sait pas quoi dire devant cet homme, qui cause, qui cause et qui nous «parle de tout», on ne veut surtout pas lui «clouer le bec», à ce Mec.
Allain Leprest était à la MJC de Palaiseau (91), le 22 mai, accompagné au piano par Nathalie Miravette.