Guerre au Caesar’s Palace

Publié le 03 juin 2010 par Vinz

L'affiche de ce combat

Le 15 avril 1985, lors son premier « live » de boxe depuis les USA, Canal+, crée l’évènement en France en diffusant, depuis un Caesar’s Palace de Las Vegas en éruption, ce qui deviendra l’un des plus grands combat de boxe du 20ème siècle. J’avais pas treize ans à l’époque, mais mes parents m’avaient donné la permission d’assister à cette confrontation qui allait me faire aimer et apprécier le noble art. Marvin « Marvelous »  Hagler allait mettre en jeu sa couronne unifiée des poids moyens face au plus dangereux de ses prétendants, son compatriote Thomas « The Hitman » Hearns. En trois rounds d’une immense intensité, le face à face de ces deux immenses champions marquera à jamais l’histoire de la boxe mondiale.


Durant trois années, Bob Arum a essayé de concrétiser une folie : opposer le roi incontesté des moyens, Marvin Hagler, à l’immense puncheur, ex-tenant WBA des welters et WBC des super welters, Thomas Hearns. Un combat titré « The War » (La guerre). Tous les ingrédients d’un grand affrontement sont réunis. Les deux hommes, aux egos démesurés, se détestent en se vouant une haine mutuelle et ils vont copieusement se provoquer, avant le combat, chacun promettant un combat explosif qui n’irait pas jusqu’à la limite. Le ton est donné dès la conférence de presse. Hagler et sa casquette rouge avec le mot « War » campe sa détermination : "Je n’ai qu’une chose en tête. La guerre ! Il n’y a pas de doute dans mon esprit, Hearns sera KO. Je ne vais pas jouer avec lui. Je vais le détruire". Hearns réplique : "Le combat n’ira pas à la limite. Hagler n’est rien. Il subira le même sort que Duran (il avait atomisé ce dernier en 2 rounds alors que Le Panaméen avait tenu la distance face à Hagler) et même plus violemment !"

A quelques minutes de l’entrée dans l’arène en plein air du Caesar’s Palace de Las Vegas, l’atmosphère est étrange, chargée d’électricité. Devant les caméras, Hearns ne se montre nullement impressionné par l’aspect terrifiant cultivé par « Marvelous » et est persuadé de son fait.

Après une montée sur le ring sous les acclamations pour le challenger alors qu’Hagler est copieusement sifflé, les deux belligérants montrent qu’ils ne sont pas là pour finasser et faire dans la dentelle. Dès le début du 1er round, le choc est total. Les deux hommes cherchant à en finir rapidement, les 15 000 spectateurs sont projetés dans une époustouflante et terrifiante orgie de directs et crochets. Le style d’Hagler est un mélange de puissance musculeuse conjugué à une résistance aux coups hors du commun et à une boxe variante marteau-pilon, alors que Thomas Hearns a un physique totalement différent. Grand (1,93 m), avec des bras démesurés, le boxeur de Détroit possède un don du ciel… le punch ! L’intensité de cette première minute est irréelle ! Aux splendides droites et gauches d’Hagler, le « tueur à gage » réplique par une tempête de directs du gauche et de droites plongeantes meurtrières. L’ordinateur d’HBO s’emballe : en trois minutes, Hearns a donné 83 coups puissants… Hagler 82. En fin de 1ère reprise, alors qu’il semble maître du ring, Hagler se fait contrer par une droite assassine de Hearns et regagne son coin le front ensanglanté.

Lors de la 2nde reprise, le tenant du titre, ayant connaissance de la gravité de sa blessure, intensifie sa chasse. La violence des échanges reste absolue, Hearns lui rendant coup pour coup. Mais le champion, craignant d’être arrêté par le médecin de la commission du Nevada, serre les dents et le combat. Coincé dans les cordes, Hearns subit une tempête de coups et termine ce round titubant, le regard hagard. La tension monte encore d’un cran lorsque le médecin examine une nouvelle fois la blessure du champion. La foule retient son souffle, craignant l’arrêt du combat. Mais  « Marvelous » est autorisé à reprendre le combat.

"Marvelous" conserve ses ceintures

Dès le début du 3ème round, le divin chauve se rue sur son adversaire, désarticulant le natif de Détroit sur une magnifique droite. Mais une nouvelle blessure du champion, sous l’œil cette fois, nécessite l’interruption du combat et l’intervention du médecin. Hagler vient peut-être de perdre ses précieuses ceintures… « Can you see him ? (pouvez vous le voir ?) », interroge le docteur. La réponse est cinglante: « Je viens à l’instant de le frapper, n’est ce pas ? Alors… » Alors le combat reprend, mais pour combien de temps ? La coupure sous l’œil droit d’Hagler coule abondamment et on a du mal à imaginer que le champion soit autorisé à disputer une 4ème reprise dans ces conditions. Hearns, sachant que le temps joue en sa faveur, utilise sa mobilité pour creuser la distance. Cependant, Hagler, tel un fauve, court après sa proie et cadre ses coups de mieux en mieux. Le « Cobra de Détroit » ne paraît plus très lucide ni en très bon équilibre sur ses jambes, et il commet l’erreur de boxer garde basse sans réussir à laisser une distance suffisante pour être hors de portée des coups de son adversaire. Deux formidables droites le font une première fois chanceler, et malgré une tentative de réplique dans le vide, il est terrassé par deux nouvelles droites d’une précision chirurgicale au menton qui l’envoient au sol face contre terre, les yeux révulsés. « The Hitman » est KO ! Richard Steele, l’arbitre du combat, arrête alors la boucherie, permettant ainsi à Marvin « Marvelous » Hagler de conserver ses ceintures.

Les deux boxeurs ont tenu parole, la guerre a bien eu lieu, et le combat n’a pas été jusqu’à son terme. Au-delà des générations, ce combat reste sans doute comme l’une des plus belles pages de l’histoire des rings. Sa violence, son intensité (surtout lors de la première reprise considérée aujourd’hui encore comme l’une des plus invraisemblable jamais vue), sa dramaturgie et son final homérique l’ont fait entrer dans la légende. Elu combat de l’année 1985 par « The Ring Magazine », ce combat dantesque permit à Hagler d’être reconnu à sa juste valeur. Il devint enfin une superstar dans son pays, après douze ans de professionnalisme dont cinq de règne, et entra dans la légende des plus grands moyens de tous les temps.