En 1997 l’action valait à peine 4$ et personne n’en voulait. Aujourd’hui on se bat pour en posséder.
- Comment en 13 années peut-on passer du stade de moribond à la troisième capitalisation mondiale ?
- Que peut-on attendre après être promu au rang de première valorisation du secteur de la haute technologie ?
- Que se passera-t-il pour Apple, quand à l’instar de Gates, Jobs le charismatique quittera l’entreprise ?
C’est en synthèse, sans essayer de jouer ni les Cassandre, ni les devins, ce que je me propose de partager avec vous au travers de ce billet.
Tous les commentaires sont les bienvenus !
28 Mai 2010, ce jour là toute la presse en fît ses choux gras. Pensez donc, Apple bat son ennemi juré Microsoft en passant en tête en terme de capitalisation d’entreprise avec 222 Milliards de dollars ! Obligeant Steve Ballmer à clâmer haut et fort: « Il n’y a certainement aucune entreprise aussi rentable que nous (Microsoft) » et sa capitalisation, un pouillième en dessous d’Apple lui donne plutôt raison…
Aussi revenons un peu en arrière. 1997 marque le retour du fils maudit, Steve Jobs. Le baba cool de la fin des années 70, co-fondateur de l’entreprise mythique avec son compère -le génial ingénieur Steve Wozniack- revient à la tête de l’entreprise qui l’avait précédemment limogé… ou presque. Il lui manque alors des liquidités pour reconstruire l’empire que nous connaissons aujourd’hui, et c’est vers… Microsoft qu’il va se tourner. Contre toute attente, Bill Gates rentre au capital d’Apple à hauteur de 150 millions de dollars, avec interdiction de revendre ses parts avant 5 ans.
Jobs tempérait en annonçant à qui voulait bien l’entendre « qu’il fallait abandonner l’idée que pour que Apple gagne, il faut que Microsoft perde »… Quelques années plus tard, il dira tout autre chose au travers de ses spots télé (voir l’article « Microsoft contre Apple, la guerre des spots télé », que vous aimez encore tant).
On a comparé des Pommes et des Oranges, car Apple c’est la prédominance de la consommation de masse, tandis que Microsoft c’est la domination d’entreprise. Comparer ces deux entreprises aujourd’hui, c’est comme comparer Marvell Edition et « Les échos » ! A ce jour, les ordinateurs Apple représentent (toutes lignes confondues) 25% à peine du chiffre d’affaires de l’entreprise… le reste c’est de la téléphonie (IPhone et Ipad) et de la vente de contenus (applications et biens numériques au travers de iTunes). De son coté Microsoft fait quasiment 100% de son chiffre avec sa gamme de logiciels : sytèmes d’exploitations, suite bureautique, et autres outils de production… Cela n’a rien à voir !
Les choses seraient toutes autres si l’on comparait Google à Apple (voir le billet "iPhone vs. Androïd, le retournement de l’écosystème mobile"). Je sais ce que me diront certains : oui mais Microsoft a échoué en lançant Zune, Microsoft a échoué au travers de sa gamme Windows Mobile (en attendant de voir ce que donnera Windows Serie – la version 7 de leur OS pour téléphonie), Microsoft ne gagne pas d’argent (ou si peu) au travers de la Xbox… En bref Microsoft a échoué justement dans le segment de marché ou Apple a bâti sa fortune. Oui, et ils auront raison ! Et alors ? Microsoft reste tout de même quatrième à quelques dizaines de millions de dollars… A contrario, si le iPhone n’avait pas connu le succès qui est le sien, personne ne parlerait plus d’Apple.
Je ne dis pas que Jobs n’a pas de génie, il en a, et il est très bien entouré. Apple sait faire de l’argent. Un exemple ? A votre avis, combien coûte à une entreprise qui a conçu et imaginé un nouveau périphérique compatible avec l’Iphone ou le Ipad, l’utilisation de son interface avec le connecteur Apple ? Combien coûte l’utilisation des connaissances qu’elle a déjà payées au travers d’une licence, du dit connecteur ? Je vous aide… QUATRE DOLLARS. quel que soit le prix de ce périphérique, elle devra reverser QUATRE DOLLARS à Apple par unité vendue ! Ils sont forts non ? Ne soyez pas choqués, c’est normal, Apple a créé son propre écosystème et c’est le prix à payer pour en tirer profit… comme Microsoft et le prix astronomique de certaines licences.
Ce qu’il y a de réellement intéressant a contrario, c’est justement qu’une entreprise spécialisée dans la vente de produits de masse, propriétaires en plus, se soit hissée à une telle position. Cela dénote un réel changement de comportement du secteur des hautes technologies. Le couple matériel + logiciel = écosystème avait, on le savait (IBM), un succès assuré. Aujourd’hui, grâce à Apple, on sait qu’il est dorénavant possible d’appliquer ce modèle pour le consommateur final, à une échelle que personne n’aurait imaginé ! Je crois que Mr Tout le monde se fiche de savoir si son système est ouvert, du moment qu’il est beau, et qu’il assure les services pour lesquels il l’a acheté. Et pour cela Mr Tout le Monde est prêt à payer cher ! C’est à mon humble avis, LE POINT marquant de cette capitalisation, et personnellement je trouve ça… effrayant. Effrayant et inquiétant, car je pense au libre et à l’Open Source (voir "La sortie d’Ubuntu 10.04 annonce la mort de Linux"). Effrayant mais… humain.
En attendant, chapeau bas pour Apple, bravo et bien joué. Grâce à un marketing sans faille, des designs qui ont marqué tous les esprits et qui poussent à vouloir posséder le produit, voire à en posséder une version exceptionnelle comme cette version plaqué OR du macbook (ça ne s’invente pas… cherchez sur google : Macbook Gold).
Aujourd’hui la pomme vaut de l’or en vendant des produits exceptionnellement beaux et exceptionnellement… fermés (rassurez vous, je ne déroge pas à la règle, moi aussi je rêve du Macbook Air…) Mais que se passe-t-il quand une pomme devient ainsi trop lourde ? Elle tombe ! Comment éviter cela ? En étant condamné à innover, en proposant des produits exceptionnels, créant parfois leur propre marché (comme l’iPad) et en évitant de se faire copier… comme justement l’iPad et le fameux aPad (A pour Androïd je suppose, aussi connu comme iPed, mais ne me demandez pas à quoi correspond le « e »), comme vous pouvez le constater dans cette vidéo en langue japonaise :
Comme pour la capitalisation d’Apple, le jour même où je trouvais cette annonce dans mes abonnements aux news, je retrouve la même vidéo sur… LCI !
C’est dire si :
- Tout ce qui touche à Apple a un côté magique, qui contribue à son succès.
- Cet exemple de copie n’est que le premier d’une très longue série.
En l’occurrence l’objet du délit, même s'il reprend ce que l’on appelle le « form factor », autrement dit les caractéristiques physiques de l’iPad (l’aPad est beau comme un iPad) jusqu’à son emballage, et même si son prix est CINQ fois inférieur à celui de l’iPad, l’aPad ne connaîtra pas le succès.
Pour une raison simple: sa plateforme matérielle ne suit pas, les performances ne sont pas au rendez-vous. L’idée n’a pas été poussée jusqu’au bout, sinon, j’en suis certain, on ne crierait pas au copieur, mais pour ce tarif, au génie ! On comparerait cet aPad à la deux chevaux Citröen de nos parents… ce serait l’iPad du peuple, et si Apple s’y opposait, ce seraient eux les méchants. Mais soyez en certain, dans très peu de temps, cet iPad Killer verra le jour, et 99% de chances pour qu’il tourne sur Androïd !
Et là je reprends ma comparaison avortée avec Google. Qui pourrait contrer le succès d’Apple ? Réfléchissons :
- Qui possède un OS mobile ultra performant ?
- Qui a déjà monté son propre écosystème sur la base de cet OS en proposant une boutique d’applications ?
- Qui propose déjà du (beau) matériel en direct, capable de faire tourner cet OS ?
- Qui dans le même temps a ouvert son code à tous, sans pour autant en faire un cheval de bataille ?
- Qui possède déjà des partenaires aussi prestigieux que HTC, Motorola ou Sony Ericsson qui se battent tous les jours pour gagner des parts de marché avec des produits qu’ils conçoivent et dessinent sur la base de cet OS ouvert ?
Tout cela devrait furieusement vous rappeler la stratégie de la pomme et est à Google ! Google, Google, encore Google…
Seule contre-attaque possible dans cette guerre à l’innovation, à laquelle s’essaiera aussi sans doute Microsoft : Le design.
Cette notion prend ici tout son sens, car c’est au travers du design que se crée le « lien affectif » avec le produit. C’est ce qui le transforme en objet de désir, en objet de convoitise, en objet de très grande consommation pouvant être vendu cher, voire très cher. Si à cet exercice les designers d’Apple ont un train d’avance (je ne connais pas encore de produits aussi beaux que ceux d’Apple, et pourtant parfois je me force), la probabilité est nulle pour que tous les autres réunis ne puissent arriver à faire au moins aussi bien, d’ici… demain ou après demain.
Alors Apple devra abandonner des parts sur des marchés où il régnait en seul maître, et surtout s’en créer d’autres, s'il veut garder sa pôle position capitalistique. Pour cela, il faut une locomotive, un visionnaire, un tyran, un génie… Tous ces qualificatifs collent à la peau d’un seul homme: Steve Jobs. Qu’adviendra-t-il lorsqu’il sera temps pour lui de quitter l’entreprise, cette fois totalement auréolé de gloire ? Est-il le seul capable de marquer cette belle entreprise, comme il a marqué son propre logo ? (la légende dit qu’il aurait voulu déposer la forme d’une pomme complète comme logo. Ce dernier étant pris, il aurait eu l’idée de croquer dans sa pomme pour en faire naître celui que nous connaissons aujourd’hui.) Je n’en sais absolument rien, mais peut être qu’après tout, l’or de la pomme, c’est lui.
Voila, vous savez tout ou presque. Vous passez trop de temps devant votre écran !
Au plaisir de vous lire.
Christophe Carvounas