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Les blockbusters estivaux hollywoodiens ont perdu de leur superbe ces dernières années. « Superbe » n’est peut-être pas le mot adéquat, mais là où ils pouvaient être souvent synonymes d’aventures grisantes à une époque, ils semblent bien trop souvent se perdre désormais dans une voie de garage désespérante. Les films d’aventures en particulier. Ces derniers temps, pour un Star Trek emballant, combien de Pirates des Caraïbes inutiles, d’Indiana Jones décevant, de GI Joe et tout un tas de suites sans intérêt ? Bien trop, j’en ai bien peur.
Quelle ne fut pas ma surprise ce week-end de découvrir que Prince of Persia, les sables du temps, le nouveau blockbuster estampillé Jerry Bruckheimer, fait partie des bonnes surprises du genre. Incroyable mais vrai. Lorsqu’après avoir vu Ha Ha Ha au Reflet Médicis, mon amie Muriel m’a proposé d’aller voir Prince of Persia, j’y suis allé pour le goût du gros film d’aventure en étant persuadé d’avance que ce ne serait qu’avalanche d’effets spéciaux sans âme ni trépidation. Perdu. J’en suis sorti agréablement surpris. Surpris d’avoir assisté à un vrai film d’aventures et non à un simple étalage de numérique.
Entendons-nous bien. Prince of Persia est un déballage d’effets numériques. C’en est truffé, et pas toujours avec la plus grande osmose. Mais là où le film surprend, c’est qu’il utilise parfaitement les codes du film d’aventures, ce qui paraît bête à écrire, mais qui a été très rarement constaté ces dernières années à Hollywood (et ne me parlez pas des Pirates des Caraïbes devant lesquels je me retenais de m’endormir tant c’était mou). La règle numéro 1 du film d’aventure réussi, ce ne sont pas les effets spéciaux, ni les décors, mais bien les personnages. Tissez une belle galerie de personnages, et le film part d’un bon pied. La galerie de Prince of Persia ne déçoit pas.
Jake Gyllenhaal fait un héros hardi et soucieux convaincant, Gemma Arterton un premier rôle féminin qui ne se contente pas d’être sublime (et croyez-moi elle l’est), et ils sont entourés de seconds rôles justement croqués, avec des ressorts comiques (Alfred Molina, impeccable en brigand organisateur de courses d’autruches), des méchants fourbes (Ben Kingsley, comme d’hab’) et d’autres qui savent entretenir l’ambiguïté (Richard Coyle, que j’ai connu en gallois hilarant dans la série Coupling – Six Sexy et qui campe ici parfaitement l’héritier de la couronne qu’on a du mal à cerner).
Les personnages sont la base solide du film, qui nous plonge par la suite dans cette épopée rocambolesque et fantaisiste située en Perse il y a bien longtemps, dans laquelle un Prince, accusé à tort du meurtre de son roi de père, se voit pourchassé par son oncle et ses frères qui réclament justice. En chemin, le Prince, Dastan, met la main sur un poignard aux pouvoirs légendaires : celui qui le porte peut remonter le cours du temps. Avec la gardienne de cette dague magique qui ne lui lâche pas le train, Dastan va tenter de laver son honneur, démasquer l’assassin de son père, et sauver le monde, rien que ça. Le tout sans prendre de douche. Bon courage Dastan.
Comme je l’ai déjà mentionné, les effets spéciaux de Prince of Persia, adapté d’un célèbre jeu vidéo, sont parfois too much, frisant l’overdose. Mais la qualité des personnages et des aventures dans lesquels ils sont projetés pendant près de deux heures contrebalancent bien ce trop plein visuel. Courses poursuites sur les toits de cités anciennes, combats au sabre, traversées de déserts, Mike Newell, qui n’est pas du tout un spécialiste des films d’action (après tout, son film le plus célèbre est Quatre mariages et un enterrement…), s’en tire très bien avec le cahier des charges, donnant un rythme trépidant à cette course, sans temps mort aucun. Et fait ce que l’on n'attendait pas de lui : il fait de Prince of Persia une aventure entrainante.
Plus surprenant encore, on trouve dans ce Prince of Persia un sous-texte politique tout à fait étonnant pour un tel calibre hollywoodien du divertissement. A la base de l’aventure, il y a un conflit politique, une ville que partent conquérir les dirigeants de la Perse pour la punir de cacher des armes vendues à des territoires ennemis… une invasion basée sur des informations qui s’avèrent, une fois sur place… erronées… hum hum… Tout cela a un vague relent familier… Une production Jerry Bruckheimer adaptée d’un jeu vidéo qui enfonce la politique des États-Unis dans l’invasion irakienne ??? Certes ils enfoncent ce qui ressemble plus désormais à une porte ouverte, mais tout de même, on n’en attendait pas tant de Prince of Persia !
Et au final, la balade perse fantaisiste aura fait un joli travail de séduction. Certains me diront « Quoi ??!! T’aimes pas Pirates des Caraïbes mais t’aimes Prince of Persia ???!!! », et à ceux-là je dis avec aplomb, versatilité et force réflexion sur les mots employés : « Eh ouais ! ».